Page:Sheridan - L Ecole de la medisance (Cler).djvu/25

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relâche les pauvres Georges Dandin et les Sganarelle.

Sheridan n’a pas de ces audaces d’allure, de ces libertés de langage du théâtre de Molière. Il ne brave l’honnêteté ni dans les mots, ni dans les choses. Dans son École de la Médisance, point de Dorine « forte en gueule », point de situations épicées. Lady Teazle est une petite pensionnaire, comparée aux Angélique et aux Elmire. Elle n’a pas d’amant, ce serait shocking, mais un « sigisbé platonique », non par goût encore, mais parce que la mode le veut ainsi, comme elle a son carrosse, sa chaise et ses poneys. Joseph Surface n’oserait jamais la presser aussi vivement que fait Tartuffe, car elle ne souffrirait pas, même avec l’excuse d’Elmire, qui ne veut que désillusionner son mari, un assaut trop vif à sa vertu.

En somme, la pièce de Sheridan, non seulement ne contient rien, absolument rien qui porte la moindre atteinte à la vraie morale, mais elle ne blesse pas même cette morale de convention, cette pruderie, cette bégueulerie toujours prête à couvrir du mouchoir des nudités innocentes. On pourrait la jouer dans les pensionnats de demoiselles. En attendant, on a pu la mettre sans crainte entre les mains des élèves de nos lycées et colléges, sans avoir à retrancher que quelques mots inoffensifs, qui ont pourtant effarouché la pudeur universitaire. Les éditions classiques de Virgile et d’Horace ne sont pas si soigneusement expurgées !


On attendrait peut-être de nous, pour finir, un parallèle savant entre l’École de la Médisance et certaines pièces du théâtre contemporain, une dissertation bien sentie sur les différents genres de comédies, un rapprochement ingénieux du talent de Sheridan avec celui de M. Émile Augier, de M. Alexandre Dumas fils ou de M. Victorien Sardou. Si nous avions d’autre ambition que celle de faire œuvre conscien-