Page:Sheridan - L Ecole de la medisance (Cler).djvu/26

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cieuse de traducteur, peut-être nous laisserions-nous tenter, peut-être l’entreprise aurait-elle de quoi nous séduire ; mais nous n’aurons pas la fatuité de penser que le public se soucie beaucoup de connaître notre opinion à cet égard.

Nous voulons cependant ajouter quelques mots sur la comédie de mœurs, vraiment digne du nom, comparée à la comédie d’intrigue qui domine aujourd’hui, et nous ne cacherons pas qu’il est regrettable, selon nous, de voir la plupart de nos auteurs sacrifier un mérite réel à la production d’une foule d’œuvres incomplètes, mal venues, qui obtiennent des succès de curiosité, sinon de scandale, et dont il ne reste rien après une vogue éphémère. On y trouve, certes, de nombreuses qualités : de l’à-propos, des saillies multiples, du mouvement, une parfaite entente de la scène, l’art de nouer l’intrigue, de faire arriver et sortir heureusement les personnages, de leur faire dire juste ce qu’ils doivent dire et de tenir toujours par quelque point l’attention du spectateur en éveil. Mais, en regard de ces qualités reconnues, s’accusent les graves défauts inhérents à des œuvres bâties à la hâte, suivant la mode du jour, et destinées à vivre jusqu’à ce qu’elle change : banalités, observation toute superficielle, rien d’étudié, rien de solide, des types faux, mal conçus, et qui se démentent à chaque instant, des hardiesses incroyables, des crudités révoltantes, enfin des invraisemblances de situation, de caractère et de style à peine sauvées par le tact et le savoir-faire, constituant un amalgame des genres, où domine le drame, où tranche bruyamment le vaudeville, et où la comédie se montre discrètement, à de trop rares intervalles.

Ce n’est pas que nos auteurs modernes n’aient la prétention de peindre les mœurs, tout en sacrifiant au goût du public pour les pots-pourris dramatiques, mélange du rire et des pleurs, des sentiments, le