Page:Sheridan - L Ecole de la medisance (Cler).djvu/47

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Crabtree. — Demandez à Sir Benjamin.

Sir Benjamin. — C’est la pure vérité, madame ; tout est réglé, et l’on a commandé les livrées de noce.

Crabtree. — Oui… et l’on dit qu’il y avait à cela de fort pressants motifs.

Lady Sneerwell. — En effet, j’ai déjà eu vent de la chose.

Mrs Candour. — Cela ne peut être… et je m’étonne qu’on puisse ajouter foi à une pareille histoire sur le compte d’une demoiselle aussi sage que Miss Nicely.

Sir Benjamin. — Mon Dieu, madame, voilà ce qui l’a fait croire tout de suite. Elle a toujours été si prudente et si réservée, que tout le monde était certain qu’il y avait quelque anguille sous roche.

Mrs Candour. — Eh bien, sûrement, une médisance est aussi fatale à la considération d’une sage personne de son acabit, qu’une fièvre l’est d’ordinaire aux tempéraments les plus robustes. Mais il y a une sorte de réputation chétive et maladive, qui est toujours souffreteuse, et qui cependant survit aux réputations plus solides de cent prudes.

Sir Benjamin. — C’est vrai, madame, il y a des malades de réputation aussi bien que de constitution ; qui, ayant conscience de leur faiblesse, évitent le moindre souffle d’air, et suppléent à la force vitale par le soin et la circonspection.

Mrs Candour. — Oui, mais il ne peut y avoir dans tout cela qu’une méprise. Vous savez. Sir Benjamin, que les circonstances les plus insigni-