Page:Sienkiewicz - Quo vadis, 1983.djvu/11

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on peut la considérer comme alumna, et Plautius est libre de la céder s’il le veut.

— À coup sûr, tu ne connais pas Pomponia Græcina. Et puis, tous deux se sont attachés à elle comme à leur propre enfant.

— Je connais Pomponia : un vrai cyprès. Si elle n’était la femme d’Aulus, on pourrait la louer en qualité de pleureuse. Depuis la mort de Julia, elle n’a pas quitté la stola noire et, vivante, elle a l’air de marcher déjà dans la prairie semée d’asphodèles. De plus, elle est univira, donc, parmi nos femmes quatre ou cinq fois divorcées, c’est vraiment un phénix… À propos ! Sais-tu qu’on parle d’un phénix qui, paraît-il, aurait surgi dans la Haute-Égypte, ce qui n’arrive que tous les cinq cents ans ?

— Pétrone ! Pétrone ! Nous parlerons du phénix un autre jour.

— Que puis-je, mon cher Marcus ? Je connais Aulus Plautius qui, tout en blâmant mon genre de vie, n’en a pas moins un faible pour moi et un peu plus d’estime que pour les autres ; car, il sait que je n’ai jamais été un délateur comme Domitius Afer, Tigellin et toute la bande des familiers d’Ahénobarbe. Enfin, sans me poser en stoïcien, j’ai souvent considéré d’un mauvais œil certains actes de Néron, sur lesquels Sénèque et Burrhus fermaient les yeux. Si tu juges que je sois à même de t’obtenir quelque chose auprès d’Aulus, je suis à ton service.

— Je crois que tu le peux. Tu as de l’influence sur lui et, au surplus, tu es inépuisable en fait d’expédients. Si tu y réfléchissais et que tu en parles à Plautius ?…

— Tu exagères mon influence et mon habileté, mais s’il ne s’agit que de cela, j’irai en parler à Plautius dès qu’ils rentreront en ville.

— Ils sont rentrés depuis deux jours.

— Passons alors dans le triclinium, où nous attend le déjeuner ; une fois restaurés, nous nous ferons transporter chez Plautius.

— Tu m’a toujours été cher, — s’écria Vinicius avec enthousiasme ; — mais à présent il me reste à faire placer ta statue au milieu de mes lares, ta statue aussi belle que celle-ci, et je lui offrirai des sacrifices.

Ce disant, il s’était tourné vers les statues qui ornaient tout un pan de mur de la salle embaumée et du geste il en désignait une qui représentait Pétrone en Hermès, le caducée à la main. Puis il ajouta :