Page:Sienkiewicz - Quo vadis, 1983.djvu/12

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Par la lumière d’Hélios ! si le divin Alexandros te ressemblait, je ne m’étonne plus de la conduite d’Hélène.

Cette exclamation contenait autant de sincérité que de flatterie. Car Pétrone, quoique plus âgé et moins athlétique, était encore plus beau que Vinicius. Les femmes romaines n’admiraient pas seulement son esprit affiné et son goût, qui lui avait valu le titre d’arbitre des élégances, mais aussi son corps. Cette admiration se pouvait même lire sur le visage des deux jeunes Grecques de Cos qui, en ce moment, disposaient les plis de sa toge, et dont l’une, Eunice, qui l’aimait en secret, humble et ravie, le regardait dans les yeux.

Mais lui n’y apportait aucune attention, et souriant à Vinicius, il lui répondit par la définition de la femme d’après Sénèque :

« Animal impudens… », etc.

Et lui posant le bras sur l’épaule, il l’entraîna vers le triclinium.

Dans l’unctuarium, les deux jeunes Grecques, les Phrygiennes et les deux négresses s’occupèrent à ranger les epilichnia contenant les parfums. Mais à ce moment, la draperie relevée laissa voir les têtes des balneatores et l’on entendit un léger « psst » ; à cet appel, l’une des Grecques, les Phrygiennes et les Éthiopiennes disparurent vivement derrière la draperie. Alors commença dans les thermes une scène de débauches à laquelle l’intendant ne s’opposa pas, lui qui souvent prenait part à des saturnales de ce genre. Pétrone, d’ailleurs, s’en doutait bien un peu ; mais en homme indulgent et qui n’aime pas à sévir, il fermait les yeux.

Eunice était restée seule dans l’unctuarium. Un instant, elle prêta l’oreille aux bruits de voix et aux rires qui s’éloignaient du côté du laconicum, puis elle prit le siège d’ambre et d’ivoire sur lequel Pétrone était assis tout à l’heure et, avec précaution, l’approcha de la statue.

Le soleil inondait l’unctuarium de ses rayons sous lesquels resplendissaient les marbres multicolores qui recouvraient les murs.

Eunice se haussa sur le siège, au niveau de la statue, au cou de laquelle elle noua soudain ses bras ; puis, rejetant en arrière ses cheveux d’or, accolant sa chair rose au marbre blanc, elle scella avec transport sa bouche aux lèvres froides de Pétrone.