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des escaliers extérieurs, certains en pierre, d’autres en bois, menant à des galeries qui donnaient accès dans les logements. Le bas se composait aussi de logements, d’aucuns munis de portes en bois, les autres séparés seulement de la cour par des rideaux de laine, pour la plupart effilochés, déchirés ou rapiécés.

L’heure était matinale et dans la cour pas une âme. Sans nul doute, tout le monde dormait encore, sauf ceux qui étaient revenus de l’Ostrianum.

— Qu’allons-nous faire, seigneur ? — demanda Croton en s’arrêtant.

— Attendons ici, — répondit Vinicius. — Quelqu’un va peut-être se montrer. Il ne faut pas qu’on nous voie dans la cour.

En même temps, il songeait que le système de Chilon eût été pratique. Avec cinquante esclaves sous la main, on eût pu faire garder la porte qui semblait être l’unique issue, et fouiller tous les logements ; au lieu que maintenant, il fallait tomber juste sur celui de Lygie ; autrement les chrétiens, sans doute nombreux dans cette maison, donneraient l’alerte. Et, à ce point de vue, il était dangereux de questionner quelqu’un.

Vinicius se demandait s’il n’était pas préférable d’aller quérir des esclaves, quand sortit, de derrière un des rideaux qui fermaient les logements les plus éloignés, un homme qui, une passoire à la main, vint vers la fontaine.

Le jeune homme reconnut aussitôt Ursus.

— C’est le Lygien ! — murmura-t-il.

— Faut-il lui broyer immédiatement les os ?

— Attends.

Ursus ne les aperçut pas, cachés qu’ils étaient dans l’ombre du vestibule, et il se mit tranquillement à laver les légumes contenus dans sa passoire. Après toute la nuit passée au cimetière, il allait sans doute préparer le déjeuner. Sa besogne achevée, il disparut avec son ustensile derrière le rideau.

Croton et Vinicius le suivirent, persuadés qu’ils tomberaient aussitôt sur le logement de Lygie.

Mais quel ne fut pas leur étonnement lorsqu’ils constatèrent que le rideau ne séparait pas de la cour le logement même, mais qu’il existait un second corridor sombre, au bout duquel on apercevait un petit jardin, où poussaient quelques cyprès et des buissons de myrtes, puis une maisonnette adossée à la muraille de la maison voisine.

Ils comprirent que c’était là, pour eux, une circonstance propice. Dans la première cour tous les habitants auraient pu se rassembler ; mais ici l’isolement de la maisonnette faciliterait l’entreprise. Ils auraient vite raison des défenseurs de la jeune fille, ou plus exactement d’Ursus ; puis, après s’être emparés de Lygie,