Page:Sienkiewicz - Quo vadis, 1983.djvu/160

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Puis, les mains jointes :

— Au nom de Jupiter, d’Apollon, de Vesta, de Cybèle, d’Isis et d’Osiris, au nom de Mithra, de Baal et de tous les dieux de l’Orient et de l’Occident, je t’en conjure, seigneur, abandonne ce projet… Écoute-moi…

Mais il s’interrompit soudain en constatant que le visage de Vinicius était pâle d’émotion et que ses yeux étincelaient comme les prunelles d’un loup. Rien qu’à le voir, on comprenait que nulle chose au monde ne l’arrêterait dans son entreprise. Croton se mit à refouler de l’air dans sa poitrine herculéenne et à balancer de droite et de gauche son crâne rudimentaire, comme font les ours en cage. D’ailleurs, ses traits ne trahissaient aucune inquiétude.

— J’entrerai le premier, — dit-il.

— Tu me suivras, — répliqua Vinicius d’un ton impératif.

Aussitôt ils disparurent dans le sombre vestibule.

Chilon s’était élancé vers l’angle de la ruelle la plus proche ; de là, il guettait ce qui allait se passer.


Chapitre XXII.

Une fois dans le vestibule, Vinicius se rendit compte de toute la difficulté de l’entreprise. C’était là une de ces grandes maisons, à plusieurs étages, comme on en construisait par milliers à Rome en vue de les louer, bâties à la hâte et si mal qu’il ne se passait pas une année sans que quelques-unes d’entre elles tombassent sur la tête des locataires. On eût dit de vraies ruches, trop hautes, trop étroites, pleines de cellules et de recoins, où s’entassait la population indigente. Dans la ville, où beaucoup de rues n’étaient pas dénommées, ces maisons ne portaient pas de numéros ; les propriétaires chargeaient de la perception des loyers des esclaves qui, dispensés de déclarer aux autorités municipales les noms des habitants, souvent les ignoraient eux-mêmes.

Aussi était-il fort difficile d’y découvrir un locataire, quand surtout il n’y avait pas de portier.

Vinicius s’engagea avec Croton dans un vestibule, long et étroit comme un couloir et ils parvinrent ainsi à une petite cour entourée de bâtiments ; elle formait une sorte d’atrium commun à toute la maison et, au centre, l’eau d’une fontaine tombait dans un bassin grossièrement maçonné. Au long des murs grimpaient