Page:Sienkiewicz - Quo vadis, 1983.djvu/22

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homme l’habite ; la mienne, à dire vrai, est trop vaste pour un si humble propriétaire, n’empêche qu’elle soit petite aussi. Et, s’il s’agit, par exemple, d’une aussi grande maison que la domus transitoria, crois-tu qu’il vaille la peine de faire des offrandes pour conjurer cette ruine ?

Plautius ne répondit pas à la question, et cette prudence piqua même un peu Pétrone, dépourvu à coup sûr de sens moral, mais n’ayant jamais été délateur et avec qui on pouvait causer en toute sécurité. Aussi détourna-t-il de nouveau la conversation pour se mettre à vanter la maison de Plautius et le bon goût qui y régnait.

— C’est une vieille demeure, — répondit celui-ci ; je n’y ai rien changé depuis que j’en ai hérité.

La draperie qui séparait l’atrium du tablinum se trouvant tirée, la maison était ouverte d’un bout à l’autre, si bien qu’à travers le tablinum, le dernier péristyle et la salle suivante, ou l’œcus, le regard pénétrait jusqu’au jardin qui, à distance, apparaissait comme un tableau lumineux dans un cadre sombre. De là, jusqu’à l’atrium, s’envolaient de joyeux rires d’enfant.

— Ah ! chef, — dit Pétrone, — permets-nous d’entendre de plus près ce rire si franc, comme on n’en entend plus guère aujourd’hui.

— Volontiers, acquiesça Plautius en se levant ; — c’est mon petit Aulus et Lygie qui jouent à la balle. Mais toi, Pétrone, fais-tu donc jamais autre chose que de rire ?…

— La vie est une farce, et j’en ris, — répliqua Pétrone. Mais le rire sonne ici autrement que chez moi.

— À dire vrai, — ajouta Vinicius, — Pétrone rit plutôt toute la nuit que tout le jour.

Ainsi devisant, ils traversèrent la maison dans toute sa longueur et pénétrèrent dans le jardin, où jouaient à la balle Lygie et le petit Aulus ; des esclaves, appelées spheristae et préposées à ce jeu, ramassaient les balles et les leur remettaient entre les mains. Pétrone dirigea vers Lygie un rapide et fugitif regard. Dès qu’il l’aperçut, le petit Aulus accourut dire bonjour à Vinicius qui, s’avançant, s’inclina devant la belle jeune fille, tandis qu’elle, immobile, la balle à la main, les cheveux ébouriffés, un peu essoufflée, rougissait.

Pomponia Græcina était assise, au jardin, dans le triclinium ombragé de lierre, de vigne et de chèvrefeuille, et ils allèrent l’y saluer. Pétrone la connaissait, tout en ne fréquentant pas la maison des Plautius ; il l’avait rencontrée chez Antistia, fille de Rubellius Plautius, et aussi chez les Sénèque et chez Pollion. Un certain étonnement résultait pour lui de la vue de ce visage mélancolique mais calme, de la noblesse dans l’attitude, dans les gestes, dans les paroles. Pomponia bouleversait si bien ses idées sur