Page:Sienkiewicz - Quo vadis, 1983.djvu/260

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continents, les animaux terrestres et les créatures qui peuplent les ondes, et tous les autres royaumes avec leurs cités. Trente légions la protègent. Et moi, Seigneur, je ne suis qu’un pêcheur des bords du lac. Que ferai-je ? Et comment pourrai-je triompher du mal ? »

Il releva vers le ciel sa tête branlante aux cheveux blancs et pria, appelant du fond de son cœur, en sa peine et son trouble, le Maître Divin.

La voix de Lygie interrompit sa prière :

— On dirait que la ville entière est en feu !…

En effet, c’était un étrange coucher de soleil. Son disque énorme était déjà à demi caché derrière le Mont Janicule et toute la voûte céleste était comme embrasée.

De l’endroit où ils se trouvaient, ils découvraient un vaste espace. Vers la droite se dressait le Circus Maximus ; par-derrière s’étageaient les palais du Palatin, et en face d’eux, par-delà le Forum Boarium et le Vélabrum, le sommet du Capitole couronné par le temple de Jupiter. Les murs, les colonnes et le faîte des temples étaient noyés d’or et de pourpre. Les parties visibles du fleuve semblaient rouler du sang. Et plus le soleil s’enfonçait derrière le Mont, plus le ciel devenait rouge et paraissait refléter la lueur d’un incendie. Et cette lueur augmentait, s’élargissait, enveloppant enfin les sept collines et s’épandant sur tous les environs.

— On dirait que la ville est en feu, — répéta Lygie.

Et Pierre, se couvrant les yeux de sa main, répondit :

— La colère de Dieu est suspendue sur elle.


Chapitre XXXVII.

VINICIUS À LYGIE :

« Je t’adresse cette lettre par l’esclave Phlégon, qui est chrétien ; c’est donc, ma chérie, un de ceux qui obtiendront leur liberté de tes mains. C’est un vieux serviteur de notre famille et je puis écrire par son intermédiaire sans craindre que ma lettre tombe en d’autres mains. Je t’écris de Laurentum, où nous nous sommes arrêtés à cause de la chaleur. Othon possédait ici une magnifique villa dont jadis il a fait don à Poppée et, bien que divorcée depuis, celle-ci a trouvé bon de conserver cet agréable cadeau… Quand, des femmes qui m’entourent à présent, je reporte ma pensée vers toi, il me semble que les pierres de Deucalion ont dû produire des espèces humaines tout à fait différentes : tu appartiens, toi, à celle qui naquit du cristal. Je t’admire et je t’aime de toute mon