Page:Sienkiewicz - Quo vadis, 1983.djvu/28

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Assis près de Pomponia, Pétrone savourait le spectacle du soleil couchant, du jardin et des personnes debout près de la pièce d’eau. Le rideau sombre des myrtes faisait repoussoir à leurs vêtements blancs, dorés par l’éclat du couchant. D’abord coloré de pourpre, puis de violet, le ciel prit une teinte d’opale. Le zénith se nuança de lilas. Les silhouettes noires des cyprès s’accusèrent davantage que sous la lumière du jour ; sur les hommes, sur les arbres, partout dans le jardin, s’épandit la paix du soir.

Ce calme frappa Pétrone ; et plus encore l’étonna celui des êtres humains. Les visages de Pomponia, du vieil Aulus, de leur fils et de Lygie, respiraient ce quelque chose qu’il n’était point accoutumé de trouver sur la face de ceux avec qui il passait ses jours, ou bien plutôt ses nuits : et ce quelque chose était comme une lumière, une placidité sereine résultant du genre de vie qui était ici celui de tous. Et, plein d’étonnement, il songea, — lui toujours en quête de beauté et de douceur, — qu’il pouvait exister une douceur et une beauté qu’il ignorait.

Aussi ne put-il garder plus longtemps cette impression, et il se tourna vers Pomponia pour lui dire :

— Je pense combien votre monde est différent de celui que gouverne notre Néron.

Elle leva son délicat visage vers la lueur du crépuscule et, simplement, répondit :

— Ce n’est pas Néron qui gouverne le monde, c’est Dieu. Il se fit un silence. Dans l’allée qui longeait le triclinium, on entendit les pas du vieux chef, de Vinicius, de Lygie et du petit Aulus. Mais, avant qu’ils parussent, Pétrone eut encore le temps de demander :

— Ainsi, tu crois aux dieux, Pomponia ?

— Je crois en Dieu, Un, Juste et Tout-Puissant, — répondit la femme d’Aulus Plautius.


Chapitre III.

— Elle croit en un dieu unique, tout-puissant et juste, — répéta Pétrone quand il fut réinstallé dans sa litière, en tête à tête avec Vinicius. Si son dieu est omnipotent, il dispense la vie et la mort ; et s’il est juste, il envoie la mort avec justice. Alors, pourquoi Pomponia porte-t-elle le deuil de Julia ? Pleurer Julia, c’est blâmer son dieu. Il faudra que je répète ce raisonnement à notre singe à la barbe d’airain ; car, je me crois en dialectique