Page:Sienkiewicz - Quo vadis, 1983.djvu/282

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— L’aube s’y reflète, — approuva Poppée, convaincue que le collier était pour elle.

Un moment, César joua avec les pierres roses.

— Vinicius, — dit-il, — tu offriras ce collier de ma part à la princesse lygienne que je t’ordonne d’épouser.

Le regard de Poppée, furieux et stupéfait, erra de César à Vinicius, puis se posa enfin sur Pétrone. Mais celui-ci, nonchalamment incliné, semblait étudier avec attention, en caressant le bois de la main, la courbure d’une harpe.

Quand Vinicius eut remercié du présent, il s’approcha de Pétrone :

— Comment te prouver ma reconnaissance de ce que tu as fait pour moi aujourd’hui ?

— Offre à Euterpe un couple de cygnes, prodigue tes louanges au chant de César, et ris-toi des présages. J’espère que le rugissement des lions ne troublera plus ton sommeil, ni celui de ton lis lygien.

— Non, — répondit Vinicius, — à présent, me voilà tranquille.

— Que la Fortune vous soit donc favorable ! Mais attends : voici que César reprend le phormynx. Suspends ta respiration, écoute et verse des larmes.

En effet, Néron s’était levé, le phormynx en main et les yeux au ciel. Les conversations avaient cessé dans la salle ; tous les auditeurs s’étaient immobilisés, comme pétrifiés. Seuls, Terpnos et Diodore, qui devaient accompagner César, se regardaient ou regardaient ses lèvres, attendant les premières notes du chant.

Soudain, dans le vestibule, on entendit un vacarme, des cris ; la portière soulevée, apparut Phaon, l’affranchi de l’empereur, suivi du consul Lecanius.

Néron fronça les sourcils.

— Pardon, divin empereur, — dit Phaon d’une voix haletante, — Rome brûle. La majeure partie de la ville est en feu…

Tous les assistants s’étaient levés aussitôt. Néron déposa le phormynx et s’écria :

— Dieux !… Je verrai donc une ville en feu et j’achèverai ma Troïade !

Puis, s’adressant au consul :

— Crois-tu qu’en partant sur-le-champ, je puisse arriver assez tôt pour voir l’incendie ?

— Seigneur, — répondit le consul, pâle comme un linge, — la ville n’est qu’une mer de flammes, les habitants sont étouffés par la fumée, tombent asphyxiés ou, frappés de folie, se jettent dans le brasier. Rome est perdue, seigneur.

Il se fit un silence, rompu par l’exclamation de Vinicius :