Page:Sienkiewicz - Quo vadis, 1983.djvu/281

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tout. Vinicius voulait en faire sa maîtresse ; mais, comme elle s’est montrée aussi vertueuse que Lucrèce, il s’est épris de sa vertu et désire l’épouser. Elle est de souche royale ; il ne déchoira donc pas. Mais, en vrai guerrier, il soupire, languit, gémit, et attend l’autorisation de son empereur.

— L’empereur ne choisit pas les épouses de ses soldats. Qu’a-t-il besoin de mon autorisation ?

— Je t’ai dit, seigneur, qu’il t’avait voué un culte.

— Il peut alors être d’autant plus certain de l’autorisation. C’est une jolie fille, mais aux hanches étriquées. Augusta Poppée s’est plainte d’elle, l’accusant d’avoir jeté un sort à notre enfant, dans les jardins du Palatin…

— Mais moi j’ai démontré à Tigellin que les mauvais sorts ne sauraient atteindre les divinités. Tu t’en souviens, divin, et toi-même tu as crié : Habet !

— Je m’en souviens.

Se tournant vers Vinicius :

— Tu l’aimes autant que l’affirme Pétrone ?

— Je l’aime, seigneur.

— Eh bien ! je t’ordonne de partir dès demain pour Rome, de l’épouser et de ne reparaître devant moi qu’avec l’anneau nuptial.

— Merci, seigneur, du fond de mon cœur et de mon âme, merci !

— Comme il est doux de faire des heureux ! — dit César. — Je voudrais, de toute ma vie, n’avoir rien autre chose à faire.

— Accorde-nous encore une grâce, divin, — fit Pétrone, — et exprime ta volonté devant l’Augusta. Vinicius n’oserait épouser une femme qui serait antipathique à l’Augusta ; mais toi, seigneur, tu dissiperas d’un mot toute prévention en déclarant que c’est par ton ordre.

— Bien. Je ne saurais rien vous refuser, à toi ni à Vinicius, — dit César.

Et il rentra dans la villa, où ils le suivirent, le cœur joyeux de ce succès. Vinicius devait se contenir pour ne pas se jeter au cou, de Pétrone. Il lui semblait qu’à présent tout danger et tout obstacle étaient écartés.

Dans l’atrium, le jeune Nerva et Tullius Sénécion s’entretenaient avec l’Augusta. Terpnos et Diodore accordaient les cithares. Néron, en rentrant, s’assit sur un siège incrusté d’écaille, murmura quelques mots à l’oreille d’un jeune éphèbe, et attendit.

L’éphèbe rentra bientôt avec un coffret d’or. Néron y choisit un collier formé de grosses opales et dit :

— Voici des bijoux dignes de cette soirée.