Page:Sienkiewicz - Quo vadis, 1983.djvu/30

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des moyens simples et honnêtes et laisse-nous à tous deux le temps de réfléchir. Chrysothémis, à moi aussi, m’a semblé fille de Jupiter, et pourtant je ne l’ai pas épousée ; Néron n’a pas davantage épousé Acté, qu’on disait fille du roi Attale… Calme-toi… Songe que si elle veut quitter pour toi les Aulus, ils n’ont pas le droit de la garder… Sache bien, de plus, que tu n’es pas seul à être enflammé ; car, en elle aussi, Éros a porté le feu… Je l’ai bien vu, et l’on peut se fier à moi en la matière… Patiente. Il y a moyen pour tout. Mais aujourd’hui, j’ai trop pensé, et cela me fatigue. Par contre, je te promets de songer demain à ton amour, et Pétrone ne serait plus Pétrone s’il ne trouvait quelque arrangement.

Ils se turent encore ; enfin, après un moment, Vinicius dit, plus calme :

— Je te remercie, et que la Fortune te soit propice.

— Sois patient.

— Où te fais-tu porter ?

— Chez Chrysothémis…

— Heureux ! Tu possèdes la femme que tu aimes.

— Moi ? Sais-tu ce qui m’amuse encore chez Chrysothémis ? Eh bien, c’est qu’elle me trompe avec mon propre affranchi, le luthiste Théoclès, et qu’elle croit que je n’en sais rien. Je l’ai aimée, jadis ; à présent, ses mensonges et sa bêtise m’amusent. Accompagne-moi chez elle. Si elle te fait la cour et trace pour toi, avec son doigt mouillé de vin, des lettres sur la table, sache que je ne suis pas jaloux.

Ils se firent porter chez Chrysothémis. Mais, dans le vestibule, Pétrone dit à Vinicius en lui posant la main sur l’épaule :

— Attends, je crois avoir trouvé un moyen.

— Que tous les dieux t’en récompensent !

— Oui ! le moyen me paraît infaillible… Sais-tu, Marcus ?

— Je t’écoute, mon Athéné…

— D’ici quelques jours, la divine Lygie goûtera dans ta maison le grain de Déméter.

— Tu es plus grand que César ! — s’écria Vinicius enthousiasmé.


Chapitre IV.

Pétrone avait tenu sa promesse.

Le lendemain, après sa visite à Chrysothémis, il avait, c’est vrai, dormi tout le jour ; mais, le soir, il s’était fait porter au