Page:Sienkiewicz - Quo vadis, 1983.djvu/31

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Palatin, et, d’un entretien confidentiel qu’il avait eu avec Néron, il résulta que, le troisième jour, un centurion escorté d’une section de prétoriens parut devant la maison de Plautius.

Les temps étaient durs et incertains. Bien souvent, ces sortes d’envoyés étaient des messagers de mort. Aussi, quand le centurion eut heurté du marteau à la porte d’Aulus, et que le surveillant de l’atrium annonça la présence des soldats dans le vestibule, l’effroi envahit la maison entière. Aussitôt, toute la famille entoura le vieux chef, personne ne doutant que lui seul fût menacé. Pomponia, les bras noués au cou de son mari, se pressait contre lui, et de ses lèvres bleuies et agitées s’échappaient des paroles indistinctes ; Lygie, le visage pâle comme un linge, lui baisait les mains ; le petit Aulus s’accrochait à sa toge. Des corridors, des chambres supérieures réservées aux servantes, de l’office, des bains, des sous-sols, de la maison entière, sortaient en foule des esclaves des deux sexes.

Heu ! heu ! me miserum ! — entendait-on de tous côtés. Les femmes sanglotaient ; déjà quelques-unes se lacéraient le visage ou se couvraient la tête de leur voile.

Seul, habitué depuis nombre d’années à braver la mort en face, le vieux chef demeurait impassible ; son court visage d’aigle était comme pétrifié. Après un instant, où il fit cesser les cris et donna l’ordre aux serviteurs de se disperser, il dit :

— Laisse, Pomponia, si ma fin est arrivée, nous aurons le temps de nous dire adieu.

Comme il l’écartait doucement, Pomponia s’écria :

— Dieu fasse que ton sort soit aussi le mien, Aulus !

Puis, tombant à genoux, elle se mit à prier, avec cette ferveur que seule peut donner la crainte éprouvée pour un être cher.

Aulus se rendit dans l’atrium, où l’attendait le centurion. C’était le vieux Caïus Hasta, son subalterne d’autrefois dans les guerres de Bretagne.

— Salut, chef, — fit celui-ci. — Je t’apporte, de la part de César, un ordre et un salut ; voici les tablettes et le sceau garantissant que je viens en son nom.

— Je suis reconnaissant à César de son salut et j’exécuterai ses ordres, — répondit Aulus. — Salut Hasta ; dis-moi quel est ton message.

— Aulus Plautius, — fit Hasta, — César a appris la présence chez toi de la fille du roi des Lygiens, remise par celui-ci, du vivant du divin Claude, aux mains des Romains, comme gage que les Lygiens ne franchiraient jamais les bornes de l’empire. Le divin Néron te sait gré, ô chef, de l’hospitalité donnée par toi depuis si longtemps à cette jeune fille ; mais ne voulant pas t’imposer plus longtemps cette charge et considérant que, comme