Page:Sienkiewicz - Quo vadis, 1983.djvu/365

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et lui avaient infligé la question ; mais voyant qu’il agonisait, ils l’ont relâché. Peut-être qu’ils te la rendront maintenant, elle aussi. Et le Christ lui accordera la santé.

Le jeune tribun demeura quelques instants la tête basse ; puis il la releva et dit doucement :

— Oui, centurion, Christ l’a sauvée de la honte, Christ la sauvera de la mort.

Puis, ayant stationné jusqu’au soir sous les murs de la prison, il rentra chez lui et dit à ses gens d’aller chercher Linus et de le transporter dans une de ses villas suburbaines.

De son côté, Pétrone avait décidé d’agir encore. Il avait déjà vu l’Augusta ; il se rendit de nouveau auprès d’elle et la trouva au chevet du petit Rufius qui délirait, le crâne fracassé. La mère le défendait contre la mort avec l’épouvante et le désespoir dans le cœur, mais avec la crainte de ne le sauver que pour qu’il pérît d’une mort plus terrible encore.

Uniquement absorbée par sa douleur, elle ne voulait même pas entendre parler de Vinicius et de Lygie. Mais Pétrone la terrifia.

— Tu as offensé une divinité nouvelle et inconnue. Toi, Augusta, tu vénères, paraît-il, le Jéhovah des Hébreux ; mais les chrétiens prétendent que le Christ est son fils ; demande-toi si tu n’es point poursuivie par le courroux du père. N’es-tu pas l’objet de leur vengeance et la vie de Rufius ne dépend-elle pas de tes actes à venir ?

— Que veux-tu que je fasse ? — questionna Poppée avec angoisse.

— Apaise la divinité en colère.

— Comment ?

— Lygie est malade. Use de ton influence auprès de César et de Tigellin pour qu’on la rende à Vinicius.

— Crois-tu donc que je le puisse ? — demanda-t-elle désespérée.

— Tu peux autre chose. Si Lygie guérit, elle doit aller à la mort. Va au temple de Vesta et exige que la Virgo Magna se trouve par hasard aux abords du tullianum au moment où les prisonniers en sortiront pour être conduits à la mort. Qu’elle ordonne de remettre cette fille en liberté. La grande vestale ne saurait te le refuser.

— Mais si Lygie meurt de la fièvre ?

— Les chrétiens assurent que le Christ est vindicatif, mais juste : peut-être que ta seule intention l’apaisera.

— Qu’il me donne un signe m’assurant le salut de Rufius.

Pétrone haussa les épaules :