Page:Sienkiewicz - Quo vadis, 1983.djvu/373

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Ces trépignements commencèrent à gronder comme le tonnerre, pour ne plus s’arrêter. Alors, le préfet de la ville, qui déjà avait fait le tour de l’arène en un splendide cortège, donna avec son mouchoir un signal, que l’amphithéâtre entier accueillit par un : « Aaa » poussé par des milliers de poitrines.

La coutume était de commencer le spectacle par des chasses au fauve, où excellaient divers barbares du Nord et du Midi. Mais, cette fois, les fauves étaient réservés pour plus tard ; ce furent les andabates, gladiateurs coiffés de casques sans ouverture pour les yeux, qui débutèrent, prêts à combattre à l’aveuglette.

Quelques-uns de ces andabates apparurent en même temps sur l’arène et se mirent à brandir leurs glaives dans le vide, tandis que les mastigophores les poussaient, avec de longues fourches, les uns vers les autres. Le public élégant contemplait avec indifférence ce spectacle méprisable. Mais la plèbe s’amusait des gestes maladroits des gladiateurs ; quand il leur arrivait de se rencontrer dos à dos, c’étaient des rires bruyants ; on vociférait : « À droite ! à gauche ! tout droit ! » les trompant souvent à dessein. Pourtant, quelques hommes s’étaient déjà couplés, et la lutte commençait à devenir sanglante. Les plus acharnés parmi les adversaires jetaient leurs boucliers, et, liant dans une étreinte leurs mains gauches, combattaient à mort de leurs mains droites. Ceux qui tombaient tendaient le doigt pour implorer la pitié. Mais au début du spectacle, le peuple exigeait d’ordinaire la mort des blessés, surtout quand il s’agissait des andabates, des inconnus pour ces spectateurs qui ne voyaient pas leurs visages. Peu à peu, cependant, le nombre des combattants diminuait ; enfin il n’en resta que deux, qu’on poussa l’un contre l’autre ; s’étant joints, ils tombèrent sur le sable et, mutuellement, se lardèrent à mort. Alors, au milieu des cris : Peractum est ! les valets emportèrent les cadavres, tandis que des éphèbes ratissaient l’arène pour couvrir les traces sanglantes et semaient sur le sable des feuilles de safran.

Suivit un combat plus grave, excitant non plus seulement l’intérêt de la plèbe, mais des gens élégants, surtout des jeunes patriciens qui faisaient souvent des paris énormes et perdaient jusqu’à leur dernier sesterce. Immédiatement, des tablettes circulèrent de main en main, où l’on inscrivait les noms des favoris et l’enjeu que chacun risquait sur le champion de son choix. Les spectati, autrement dit ceux qui avaient déjà fait leurs preuves et remporté des victoires sur l’arène, avaient le plus grand nombre de partisans ; mais certains joueurs hasardaient aussi de fortes sommes sur des gladiateurs nouveaux et totalement inconnus, dans l’espoir de gains importants. César lui-même pariait, et avec lui les prêtres, les vestales, les sénateurs, les chevaliers et le peuple.