Page:Sienkiewicz - Quo vadis, 1983.djvu/372

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et m’a dit qu’il viendrait à l’amphithéâtre bénir aussi les suppliciés. Je voudrais le voir au moment de mourir, et voir le signe de la croix. Ainsi, la mort me serait plus facile. Si tu sais où il se trouve, seigneur, dis-le-moi. Vinicius baissa la voix et répondit :

— Il est parmi les gens de Pétrone, déguisé en esclave. J’ignore où ils sont placés, mais je les chercherai. Regarde de mon côté en entrant sur l’arène : Je me lèverai et je tournerai la tête vers eux. Tu pourras le retrouver des yeux.

— Merci, seigneur, que la paix soit avec toi !

— Que le Sauveur te soit miséricordieux !

— Amen.

Vinicius quitta le cunicule pour regagner l’amphithéâtre, où il prit place auprès de Pétrone, parmi les augustans.

— Elle est là ? — demanda Pétrone.

— Non. Elle est restée dans la prison.

— Écoute ce qui m’est encore venu à l’esprit ; mais, en écoutant, regarde, par exemple, du côté de Nigidia, pour que l’on croie que nous parlons de sa coiffure… En ce moment, Tigellin et Chilon nous observent… Fais mettre Lygie dans un cercueil, la nuit, et qu’ils l’enlèvent de la prison comme si elle était morte. Tu te doutes du reste.

— Oui, — répondit Vinicius.

Leur conversation fut interrompue par Tullius Sénécion qui se pencha vers eux :

— Savez-vous si l’on donnera des armes aux chrétiens ?

— Nous l’ignorons, — répondit Pétrone.

— Je préférerais qu’on leur en donnât, — reprit Tullius. — Sinon, l’arène ressemble trop tôt à un étal de boucher. Mais quel splendide amphithéâtre !

En effet, le coup d’œil était merveilleux. Les gradins inférieurs semblaient couverts de neige, tellement les toges blanches étaient nombreuses et serrées. Sur le podium doré était assis César, un collier de diamants au cou, et couronné d’or ; à son côté, l’Augusta, belle et sinistre. Proche de César avaient pris place les vestales, les grands dignitaires, les sénateurs aux manteaux bordés de pourpre, les chefs militaires aux armures scintillantes, tout ce qu’il y avait dans Rome de puissant et de superbe. Derrière, les chevaliers. Plus haut, dans tout le pourtour, une mer noire de têtes humaines, d’où émergeaient des mâts reliés par des guirlandes de roses, de lis, de liserons, de lierre et de pampres. Le peuple s’entretenait à haute voix, s’interpellait, chantait, éclatait, à quelque saillie spirituelle, en rires répercutés de gradin en gradin, et trépignait pour hâter le spectacle.