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Aulus rentra chez lui avec un vague espoir. Il songeait que si, sur le conseil de Pétrone, César avait fait enlever Lygie pour la donner à Vinicius, celui-ci la ramènerait dans la maison de ses parents adoptifs. Enfin, la consolation était grande pour lui de penser que si Lygie n’était pas sauvée, du moins elle serait vengée et que la mort la préserverait de l’outrage. Car il ne doutait pas que Vinicius tint toute sa promesse. Il avait vu sa fureur et connaissait son emportement héréditaire. Lui-même, bien qu’il l’aimât comme un père, eût préféré tuer Lygie que de l’abandonner à César, et, n’eût été la crainte pour son fils, dernier rejeton de sa race, il n’eût pas hésité un instant.

Aulus était un soldat ; il ne savait presque rien des stoïciens, mais, par son caractère, il avait des affinités avec eux ; pour ses sentiments, pour sa fierté, la mort lui apparaissait plus facile et meilleure que la honte.

Il rassura donc Pomponia, lui fit part de ses espérances, et ils attendirent des nouvelles de Vinicius. Chaque fois que les pas d’un esclave résonnaient dans l’atrium, ils s’attendaient à voir paraître Vinicius leur ramenant leur fille bien-aimée, et ils se préparaient à les bénir tous deux du fond de l’âme. Mais le temps passait sans apporter aucune nouvelle. Vers le soir seulement, on entendit résonner le marteau de la porte.

L’instant d’après, entra un esclave, qui remit une lettre à Aulus. Le vieux chef, malgré son désir de montrer qu’il était maître de lui, la prit d’une main tremblante et se mit à la lire avec autant de hâte que si, d’elle, eût dépendu le sort de sa maison entière.

Soudain, son visage s’assombrit, comme si eût passé sur lui l’ombre d’un nuage.

— Lis, — dit-il — en se tournant vers Pomponia.

Pomponia prit la lettre et lut ce qui suit :

« Marcus Vinicius à Aulus Plautius. Salut. Ce qui est, est arrivé par la volonté de César, et devant elle il faut vous incliner, comme nous nous inclinons, moi et Pétrone. »

Un pesant silence s’établit.


Chapitre VI.

Pétrone était chez lui. Le portier n’osa pas arrêter Vinicius, qui entra en coup de vent dans l’atrium et, apprenant qu’il fallait chercher le maître de la maison dans la bibliothèque, y courut en toute hâte. Pétrone était en train d’écrire ; Vinicius lui arracha le