Page:Sienkiewicz - Quo vadis, 1983.djvu/407

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Le Grec, en un hoquet, cracha sur sa tunique le vin qu’il venait de boire et répondit :

— La Résurrection !…

Et de tels soubresauts le secouèrent que ceux qui étaient assis auprès de lui partirent de bruyants éclats de rire.


Chapitre LX.

Depuis un certain temps, Vinicius passait ses nuits hors de la maison. Pétrone pensait qu’il avait peut-être formé quelque nouveau projet pour faire évader Lygie de la Prison Esquiline, mais il se gardait de l’interroger, de peur de frapper de malchance sa tentative. Ce sceptique élégant était, lui aussi, devenu superstitieux, ou plutôt, depuis qu’il avait échoué à faire sortir la jeune fille de la Prison Mamertine, il n’avait plus foi en son étoile.

En l’occurrence, il ne comptait pas sur le succès des tentatives de Vinicius. La Prison Esquiline, hâtivement aménagée en reliant les caves des maisons démolies pour l’endiguement du feu, n’était point aussi affreuse que le vieux tullianum du Capitole, mais par contre, cent fois plus sévèrement gardée. Pétrone comprenait fort bien qu’on y avait transféré Lygie dans la crainte seule qu’elle mourût de maladie et échappât à l’amphithéâtre. Il ne lui était pas plus difficile de se rendre compte que c’était précisément dans ce but qu’on veillait si bien sur elle.

« Il est certain, — songeait-il, — que César et Tigellin la réservent pour un spectacle spécial, plus atroce que tous les autres. Et Vinicius se perdra plutôt lui-même que de la sauver. »

Cependant Vinicius, lui aussi, avait abandonné tout espoir de délivrer Lygie par sa propre initiative : Christ seul pouvait encore le faire. Le jeune tribun ne songeait plus qu’aux moyens de la voir dans sa prison.

Depuis quelque temps la pensée que Nazaire était parvenu à entrer dans la Prison Mamertine comme porteur de cadavres, le harcelait, et il décida d’user du même moyen. Pour une somme importante, le gardien des Fosses Puantes le prit enfin au nombre des porteurs qu’il envoyait chaque nuit chercher les cadavres dans les prisons. Le danger d’être reconnu n’était pas très grand. Il en était prémuni par l’obscurité de la nuit, ses vêtements d’esclave et l’éclairage misérable des prisons. Enfin, qui donc eût songé qu’un patricien, fils et petit-fils de consuls, pût se trouver