Page:Sienkiewicz - Quo vadis, 1983.djvu/456

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Mais alentour, c’était partout le calme. Les collines semblaient se chauffer et se reposer dans le rayonnement solaire. Enfin, le cortège s’arrêta entre le Cirque et la Colline Vaticane. Quelques soldats se mirent à creuser la fosse. Les autres déposèrent la croix, les marteaux et les clous, attendant la fin des préparatifs. La foule, calme et toujours recueillie, s’agenouilla.

La tête nimbée d’or, l’Apôtre fit face à la ville. Au loin, dans le fond, scintillait le Tibre ; sur l’autre rive, c’était le Champ-de-Mars, dominé par le mausolée d’Auguste ; un peu plus bas, les thermes immenses construits par Néron ; plus bas encore, le théâtre de Pompée. Dans le fond, découverts ou bien partiellement masqués par les édifices de Septa Julia, une multitude de péristyles, de temples, de colonnes, de maisons récemment construites, une immense fourmilière humaine grouillante de maisons et dont les limites se fondaient dans la brume azurée. Nid de crime, et aussi de puissance ; de folie, et aussi d’ordre ; tête et despote de l’Univers, et pourtant sa loi et sa paix, ville omnipotente, invincible, éternelle.

Pierre, entouré de soldats, contemplait la ville comme un Maître et un roi contemple son héritage. Et il disait : « Tu es rachetée et tu es mienne. »

Et, parmi ceux qui creusaient la fosse où allait s’ériger l’arbre du supplice, pas plus que parmi les fidèles qui étaient là, nul ne voyait que, debout devant eux, se dressait le véritable souverain de cette ville, que passeraient les empereurs, les flots de barbares et les âges, et que seul le règne de ce vieillard ne finirait jamais.

Le soleil, s’abaissant davantage vers Ostie, devint énorme et sanglant. Tout l’occident s’embrasa d’une immense clarté. Les soldats s’approchèrent de Pierre pour le dévêtir.

Lui, la prière aux lèvres, se redressa soudain et leva très haut sa main droite. Les bourreaux, intimidés, s’arrêtèrent. Les fidèles suspendirent leur souffle, attendant qu’il parlât. Le silence se fit, absolu.

Debout sur la hauteur, Pierre, de sa dextre étendue, fit le signe de la croix, et bénit à l’heure de la mort :

Urbi et Orbi.

En cette même soirée féerique, un autre détachement de prétoriens conduisait, par la route d’Ostie, l’Apôtre Paul de Tarse vers une localité nommée Aquæ Salviæ. Derrière lui s’avançait un groupe de fidèles qu’il avait convertis. Reconnaissant des visages familiers, Paul arrêtait sa marche et leur parlait, car, à titre de citoyen romain, il avait droit à la déférence de l’escorte. Derrière la Porte Tergemina, il rencontra la fille du préfet Flavius Sabin et, voyant son jeune visage inondé de larmes, il lui dit : « Plautilla, fille du salut éternel, retourne en paix. Mais donne-