Page:Sienkiewicz - Quo vadis, 1983.djvu/49

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— Oh ! quels cheveux tu as !… Je ne les poudrerai pas d’or : leurs ondes ont déjà des reflets dorés… Peut-être ajouterai-je seulement çà et là un soupçon de poudre, pour les irradier d’un rayon de soleil… Il doit être enchanteur, ton pays lygien, où poussent de telles filles.

— Je ne m’en souviens plus. Ursus m’a dit que chez nous il y a des forêts, des forêts, des forêts.

— Et dans ces forêts des fleurs… — poursuivit Acté, trempant ses mains dans un vase rempli de verveine, pour en humecter les cheveux de Lygie.

Puis elle lui frotta légèrement le corps d’huiles odorantes d’Arabie, et la revêtit d’une tunique dorée, souple et sans manches, sur laquelle devait être posé le neigeux peplum. Mais, comme il fallait la coiffer d’abord, elle enveloppa Lygie, en attendant, d’un ample vêtement appelé synthèse, la fit asseoir et la remit aux mains des esclaves qu’elle surveillait de loin. Pendant ce temps, deux autres esclaves chaussaient Lygie de cothurnes blancs brodés de pourpre et liés de tressés d’or jusqu’à la hauteur de ses mollets d’albâtre. La coiffure achevée, on drapa sur elle les plis légers d’un peplum. Acté lui mit des perles au cou, lui effleura les cheveux d’un peu de poudre d’or, et se fit elle-même habiller par ses femmes, mais sans cesser de suivre Lygie de son regard émerveillé.

Bientôt elle fut prête. Dès que les premières litières firent leur apparition devant la porte principale, les deux jeunes femmes se dirigèrent vers un cryptoportique latéral d’où l’on dominait du regard l’entrée, les galeries intérieures et la cour, entourée d’une colonnade de marbre de Numidie.

La foule devenait plus épaisse à mesure qu’elle s’engouffrait sous la voûte élancée du péristyle, surmonté du superbe quadrige de Lysias qui semblait emporter vers le firmament Apollon et Diane. Lygie contemplait avec des yeux étonnés ce spectacle, dont jamais elle n’avait pu se faire une idée dans l’austère maison des Aulus. Le soleil dérivait au couchant. Ses derniers rayons caressaient le marbre jaune des colonnes qui s’allumait d’un reflet tout à la fois d’or et de rose. Sous la colonnade, frôlant les blanches statues des Danaïdes, des dieux et des héros, roulait le flot des hommes et des femmes, tous semblables à des statues, drapés dans des toges, des peplums, des stoles, qui tombaient en plis pittoresques et sur lesquels achevaient de s’éteindre les rayons mourants. Un Hercule gigantesque, la tête encore éclairée et, à partir du torse, noyé dans l’ombre projetée par les colonnes, contemplait de sa hauteur cette cohue.

Acté signalait à Lygie les sénateurs, avec leurs toges à larges bords, leurs tuniques de couleur et leurs sandales ornées de croissants ;