Page:Sienkiewicz - Quo vadis, 1983.djvu/48

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pouvait espérer faire autrement. Ensuite, si tu veux retourner dans la maison des Aulus, ce festin te fournira l’occasion de demander à Pétrone et à Vinicius qu’ils emploient dans ce but leur influence. S’ils étaient ici, ils te diraient ce que je dis moi-même : toute résistance serait folle et causerait ta perte. Il pourrait certes se faire que César ne s’aperçût pas de ton absence, mais dans le cas contraire, s’il lui venait à l’idée que tu eusses l’audace de contrecarrer sa volonté, il n’y aurait plus de salut pour toi. Viens, Lygie… Entends-tu dans le palais ce bruit de voix ? Déjà le soleil descend à l’horizon ; bientôt les invités vont venir.

— Tu as raison, Acté, — répondit Lygie. — Je suivrai ton conseil.

Que prédominait dans cette résolution ? était-ce le désir de voir Pétrone et Vinicius, ou la curiosité bien féminine de contempler au moins une fois dans sa vie une telle fête, d’y voir César, sa cour, la fameuse Poppée, d’autres beautés, et toute cette splendeur tant vantée à Rome ? Lygie elle-même n’aurait pu le dire. Elle comprenait seulement qu’Acté disait vrai. Il fallait donc s’y rendre, et puisque la nécessité et la raison renforçaient sa tentation intime, la jeune fille cessa d’hésiter.

Acté la conduisit alors vers son unctorium, pour la frotter d’aromates et la parer ; et, bien que les esclaves féminines ne fissent pas défaut dans la maison de César et qu’Acté en eût un certain nombre à son service, celle-ci, touchée de la beauté et de la candeur de la jeune fille, décida de l’habiller elle-même. Il fut aussitôt visible que, malgré son affliction et la lecture assidue des épîtres de Paul de Tarse, la jeune Grecque avait gardé beaucoup de l’ancienne âme hellène, qui, par-dessus tout, vénère la beauté du corps. En voyant nu celui de Lygie, aux formes à la fois graciles et pleines, pétries de nacre perlide et de roses, elle ne put retenir un cri d’admiration et se recula de quelques pas pour contempler, tout enthousiasmée, cette éblouissante incarnation du printemps.

— Lygie ! — s’exclama-t-elle enfin — tu es cent fois plus belle que Poppée !

La jeune fille, élevée dans la maison de l’austère Pomponia où, même entre femmes, on observait la pudeur, restait là, splendide comme un rêve merveilleux, harmonieuse comme un marbre de Praxitèle, comme un hymne, toute rose et pudique, les genoux rapprochés, les mains croisées sur la poitrine, les cils baissés. Enfin, elle leva les bras d’un geste brusque, ôta les épingles qui maintenaient ses cheveux et, d’un mouvement de tête, les épandit pour s’en couvrir toute, ainsi que d’un peplum.

Acté s’approcha et caressa la sombre toison :