Page:Sienkiewicz - Quo vadis, 1983.djvu/52

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Peu après, de l’autre côté, une voix connue l’interpella doucement :

— Salut à la plus belle des vierges terrestres, à la plus belle des étoiles célestes ; salut à la divine Callina !

Reprenant un peu ses esprits, Lygie tourna la tête : près d’elle s’était étendu Vinicius.

Il était sans toge, l’usage étant, pour plus de commodité, de l’ôter avant le festin ; il portait seulement une tunique écarlate, sans manches, brodée de palmes d’argent ; ses bras nus, cerclés au-dessus du coude de deux larges bracelets d’or, à l’orientale, étaient plus bas soigneusement épilés, lisses, mais trop musculeux peut-être : vrais bras de guerrier, faits pour le glaive et le bouclier. Il était couronné de roses. Avec ses sourcils d’un seul arc, ses yeux magnifiques, son teint hâlé, il incarnait la jeunesse et la force. Lygie le vit si beau que, son premier trouble s’étant cependant évanoui, elle put à peine balbutier :

— Salut à toi, Marcus…

Et lui disait :

— Heureux mes yeux qui te contemplent ! heureuses mes oreilles qui écoutent ta voix plus douce que flûtes et cithares ! Si j’avais eu à choisir qui, de Vénus ou de toi, viendrait à cette table reposer à mes côtés, c’est toi que j’aurais élue, ô divine !

Il la contemplait, comme s’il eût voulu rassasier sa vue de sa beauté ; de son regard il l’incendiait, lui en caressait tantôt le visage, tantôt le cou, les bras nus, les traits délicieux ; il s’en délectait, l’enveloppait, la dévorait ; et il s’enflammait pour elle, non seulement de désir, mais de bonheur, de tendresse et d’adoration infinie.

— Je savais te retrouver dans la maison de César, — reprit-il. — Pourtant, en te revoyant, j’ai été remué d’une joie telle qu’il m’a semblé en ressentir un bonheur imprévu.

Lygie eut la sensation que dans cette multitude, dans ce palais, lui seul lui était proche, et elle se mit à l’interroger sur tout ce que, pour elle, il y avait ici d’incompréhensible et d’effrayant. Comment savait-il qu’il l’y retrouverait ? Pourquoi l’y avait-on amenée ? Pourquoi César l’avait-il retirée de chez Pomponia ? Tout ici lui faisait peur. Elle voulait retourner auprès de sa mère. Sans l’espoir que Pétrone et lui, Vinicius, intercéderaient pour elle auprès de César, elle fût morte de regret et d’angoisse.

Vinicius lui expliqua que la nouvelle de son enlèvement lui avait été donnée par Aulus lui-même.

Pourquoi était-elle là ? Il l’ignorait, César n’ayant pas coutume de rendre compte à qui que ce fût de ses décisions ni de ses ordres. Qu’elle ne craignît rien, pourtant, puisque lui, Vinicius, était