Page:Sieyès-Qu'est ce que le tiers état-1888.djvu/65

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électeur ni éligible. Ainsi, par exemple, la loi doit déterminer un âge au-dessous duquel on sera inhabile à représenter ses concitoyens. Ainsi les femmes sont partout, bien ou mal, éloignées de ces sortes de procurations. Il est constant qu’un vagabond, un mendiant ne peuvent être chargés de la confiance politique des peuples. Un domestique et tut ce qui est dans la dépendance d’un maître, un étranger non naturalisé, seraient-ils admis à figurer parmi les représentants de la nation ? La liberté politique a donc ses limites comme la liberté civile. Il s’agit seulement de savoir si la condition de la non-éligibilité, que le tiers réclame, n’est pas aussi essentielle que toutes celles que je viens d’indiquer.

Or, la comparaison est toute en sa faveur ; car un mendiant, un étranger, peuvent n’avoir pas un intérêt opposé à l’intérêt du tiers. Au lieu que le noble et l’ecclésiastique sont, par état, amis des privilèges dont ils profitent. Ainsi, la condition exigée par le tiers est pour lui la plus importante de toutes celles que la loi, d’accord avec l’équité et la nature des choses, doit mettre au choix des représentants. Pour faire ressortir davantage ce raisonnement, je fais une hypothèse. Je suppose que la France est en guerre avec l’Angleterre et que tout ce qui est relatif aux hostilités se conduit, chez nous, par un directoire composé de représentants nationaux. Dans ce cas, je le demande, permettrait-on aux provinces, sous prétexte de ne pas choquer leur liberté, de choisir, pour leurs députés au directoire, des membres du ministère anglais ? Certes, les privilégiés ne se montrent pas moins ennemis de l’ordre commun, que les Anglais ne le sont des Français en temps de guerre.

Par une suite de ces principes, on ne doit point souffrir que ceux du tiers, qui appartiennent trop exclusivement aux membres des deux premiers ordres, puissent être chargés de la confiance des communes. On sent qu’ils en sont incapables par leur position ; et cependant, si l’exclusion n’était pas formelle, l’influence des seigneurs, devenue inutile pour eux-mêmes, ne manquerait pas de s’exercer en faveur des gens dont ils disposent. Je demande, surtout, qu’on fasse attention aux nombreux agents de la féodalité.

C’est aux restes odieux de ce régime barbare que nous devons