Page:Sieyès-Qu'est ce que le tiers état-1888.djvu/66

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la division encore subsistante, pour le malheur de la France, de trois ordres ennemis l’un de l’autre. Tout serait perdu si les mandataires de la féodalité venaient à usurper la députation de l’ordre commun. Qui ne sait que les serviteurs se montrent plus âpres et plus hardis pour l’intérêt de leurs maîtres, que les maîtres eux-mêmes ? Je sais que cette proscription s’étend sur beaucoup de monde, puisqu’elle regarde, en particulier, tous les officiers des justices seigneuriales, etc.. ; mais c’est ici la force des choses qui commande. Le Dauphiné a donné sur cela un grand exemple. Il est nécessaire d’écarter, comme lui, de l’éligibilité du tiers, les gens du fisc et leurs cautions, ceux de l’administration, etc. Quant aux fermiers des biens appartenant aux deux premiers ordres, je pense bien aussi que, dans leur condition actuelle, ils sont trop dépendants pour voter librement en faveur de leur ordre.

Mais ne puis-je espérer que le législateur consentira un jour à s’éclairer sur les intérêts de l’agriculture, sur ceux du civisme et de la prospérité publique ; qu’il cessera enfin de confondre l’âpreté fiscale avec l’œuvre du gouvernement ? Alors on permettra, on favorisera même des baux à vie sur la tête du fermier, et nous ne les regarderons plus, ces fermiers si précieux, que comme des tenanciers libres, très propres assurément à soutenir les intérêts de la nation. On a cru renforcer la difficulté que nous venons de détruire, en avançant que le tiers état n’avait pas des membres assez éclairés,