Page:Sieyès-Qu'est ce que le tiers état-1888.djvu/71

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Si l’on veut actuellement atteindre à la même solution, en consultant d’autres principes tout aussi incontestables, considérons que les privilégiés sont au grand corps des citoyens ce que les exceptions sont à la loi. Toute société doit être réglée par des lois communes et soumise à un ordre commun. Si vous y faites des exceptions, au moins doivent-elles être rares ; et dans aucun cas, elles ne peuvent avoir sur la chose publique le même poids, la même influence que la règle commune. Il est réellement insensé de mettre en regard du grand intérêt de la masse nationale l’intérêt des exempts, comme on fait pour le balancer en aucune manière.

Au reste, nous nous expliquerons davantage sur ce sujet dans le sixième chapitre. Lorsque, dans quelques années, on viendra à se rappeler toutes les difficultés que l’on fait essuyer aujourd’hui à la trop modeste demande du tiers, on s’étonnera, et du peu de valeur des prétextes qu’on y oppose, et, encore plus, de l’intrépide iniquité qui a osé en chercher. Ceux mêmes qui invoquent, contre le tiers, l’autorité des faits pourraient y lire, s’ils étaient de bonne foi, la règle de leur conduite. Il a suffi de l’existence d’un petit nombre de bonnes villes, pour former, sous Philippe Le Bel, ne chambre des communes aux états généraux. Depuis ce temps, la servitude féodale a disparu, et les campagnes ont offert une population nombreuse de nouveaux citoyens.