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Page:Sieyès-Qu'est ce que le tiers état-1888.djvu/81

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de ceux qui touchent à l’impôt, qu’on m’explique comment tout peut être égal entre celui qui en jouit et celui qui en souffre.

Tout est égal ! C’est donc par esprit d’égalité qu’on a prononcé au tiers l’exclusion la plus déshonorante de tous les postes, de toutes les places un peu distinguées ? C’est par esprit d’égalité qu’on lui a arraché un surcroît de tribut pour créer cette quantité prodigieuse de ressources en tout genre, destinées exclusivement à ce qu’on appelle la pauvre noblesse ?

Dans toutes les affaires qui surviennent entre nos privilégiés et un homme du peuple, celui-ci n’est-il pas assuré d’être impunément opprimé, précisément parce qu’il lui faut recourir, s’il ose demander justice, à des privilégiés ? Eux seuls disposent de tous les pouvoirs, et leur premier mouvement n’est-il pas de regarder la plainte du roturier comme un manque de subordination ? Pour qui sont tous ces privilèges en matière judiciaire, les attributions, les évocations, les lettres de surséance, etc., avec lesquels on décourage ou l’on ruine sa partie adverse ? Est-ce pour le tiers non privilégié ? Qui sont les citoyens les plus exposés aux vexations personnelles des agents du fisc et des subalternes dans toutes les parties de l’administration ? Les membres du tiers, j’entends toujours du véritable tiers, de celui qui ne jouit d’aucune exemption.

Les lois, qui devraient au moins être exemptes de partialité, se montrent elles-mêmes complices des privilèges. Pour qui paraissent-elles être faites ? Pour les privilégiés. Contre qui ? Contre le peuple, etc., etc.

Et l’on veut que le peuple soit content et ne songe plus à rien, parce que la noblesse consent à payer comme lui ! On veut que des générations nouvelles ferment les yeux aux lumières contemporaines et s’accoutument tranquillement à un ordre d’oppression que les générations qui passent ne pouvaient plus endurer ! Laissons un sujet inépuisable et qui ne réveille que des sentiments d’indignation.

Tous les impôts particuliers au tiers seront abolis ; il n’en faut pas douter. C’était un étrange pays, que celui où les citoyens qui profitaient le plus de la chose publique y contribuaient le moins ; où il existait des impôts qu’il était honteux de supporter et que le législateur lui-même taxait d’être avilissants. Quel pays, que celui où le travail fait déroger, où il est honorable de consommer et humiliant de produire, où les professions pénibles sont dites viles,