Page:Sieyès-Qu'est ce que le tiers état-1888.djvu/94

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

toutes les manières possibles d’exprimer sa volonté. Répétons-le : une nation est indépendante de toute forme ; et de quelque manière qu’elle veuille, il suffit que sa volonté paraisse, pour que tout droit positif cesse devant elle, comme devant la source et le maître suprême de tout droit positif. Mais il est une preuve encore plus pressante de la vérité de nos principes. Une nation ne doit ni ne peut s’astreindre à des formes constitutionnelles, car au premier différend qui s’élèverait entre les parties de cette constitution, que deviendrait la nation ainsi disposée à ne pouvoir agir que suivant la constitution disputée ? Faisons attention combien il est essentiel, dans l’ordre civil, que les citoyens trouvent dans une partie du pouvoir actif une autorité prompte à terminer leurs procès. De même, les diverses branches du pouvoir actif doivent pouvoir invoquer la décision de la législature dans toutes les difficultés qu’elles rencontrent. Mais si votre législature elle-même, si les différentes parties de cette première constitution ne s’accordent pas entre elles, qui sera le juge suprême ? Car il en faut toujours un, ou bien l’anarchie succède à l’ordre.

Comment imagine-t-on qu’un corps constitué puisse décider de sa constitution ? Une ou plusieurs parties intégrantes d’un corps moral ne sont rien séparément. Le pouvoir n’appartient qu’à l’ensemble. Dès qu’une partie réclame, l’ensemble n’est plus ; or s’il n’existe pas, comment pourrait-il juger ? Ainsi donc, on doit sentir qu’il n’y aurait plus de constitution dans un pays, au moindre embarras qui surviendrait entre ses parties, si la nation n’existait indépendante de toute règle et de toute forme constitutionnelle. À l’aide de ces éclaircissements, nous pouvons répondre à la question que nous nous sommes faite. Il est constant que les parties de ce que vous croyez être la constitution française ne sont pas d’accord entre elles. À qui donc appartient-il de décider ? À la nation, indépendante, comme elle l’est nécessairement, de toute forme positive. Quand même la nation aurait ces états généraux