Page:Sieyès-Qu'est ce que le tiers état-1888.djvu/95

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réguliers, ce ne serait pas à ce corps constitué à prononcer sur un différend qui touche à sa constitution. Il y aurait à cela une pétition de principes, un cercle vicieux.

Les représentants ordinaires d’un peuple sont chargés d’exercer, dans les formes constitutionnelles, toute cette portion de la volonté commune, qui est nécessaire pour le maintien d’une bonne administration. Leur pouvoir est borné aux affaires du gouvernement.

Des représentants extraordinaires auront tel nouveau pouvoir qu’il plaira à la nation de leur donner. Puisqu’une grande nation ne peut s’assembler elle-même en réalité toutes les fois que des circonstances hors de l’ordre commun pourraient l’exiger, il faut qu’elle confie à des représentants extraordinaires les pouvoirs nécessaires dans ces occasions. Si elle pouvait se réunir devant vous et exprimer sa volonté, oseriez-vous la lui disputer, parce qu’elle ne l’exerce pas dans une forme plutôt que dans une autre ? Ici, la réalité est tout, la forme n’est rien.

Un corps de représentants extraordinaires supplée à l’assemblée de cette nation. Il n’a pas besoin, sans doute, d’être chargé de la plénitude de la volonté nationale ; il ne lui faut qu’un pouvoir spécial, et dans des cas rares ; mais il remplace la nation dans son indépendance de toutes formes constitutionnelles. Il n’est pas nécessaire ici de prendre tant de précautions pour empêcher l’abus de pouvoir ; ces représentants ne sont députés que pour une seule affaire, et pour un temps seulement. Je dis qu’ils ne sont point astreints aux formes constitutionnelles sur lesquelles ils ont à décider. 1º cela serait contradictoire ; car ces formes sont indécises, c’est à eux à les régler. 2º ils n’ont rien à dire dans le genre d’affaires pour lequel on avait fixé les formes positives. 3º ils sont mis à la place de la nation elle-même ayant à régler la constitution. Ils en sont indépendants comme elle. Il leur suffit de vouloir comme veulent des individus dans l’état de nature. De quelque manière qu’ils soient députés, qu’ils s’assemblent et qu’ils délibèrent, pourvu qu’on ne puisse pas ignorer (et comment la nation, qui les commet, l’ignorerait-elle ?) qu’ils agissent en vertu d’une commission extraordinaire des peuples, leur volonté commune vaudra celle de la nation elle-même.

Je ne veux pas dire qu’une nation ne puisse donner à ses représentants ordinaires la nouvelle commission dont il s’agit ici. Les mêmes personnes peuvent sans doute concourir à former différents