Page:Sieyès-Qu'est ce que le tiers état-1888.djvu/97

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moyen de se former en arrondissement de vingt à trente paroisses, par des premiers députés. Sur un plan semblable, les arrondissements auraient formé des provinces, et celles-ci auraient envoyé à la métropole de vrais représentants extraordinaires avec pouvoir spécial de décider de la constitution des états généraux.

Direz-vous que ce moyen eût entraîné trop de lenteurs ? Pas plus en vérité que cette suite d’expédients qui n’ont abouti qu’à embrouiller les affaires. D’ailleurs, il s’agissait de prendre les vrais moyens d’aller à son but, et non de négocier avec le temps. Si on avait voulu ou su rendre hommage aux bons principes, on aurait plus fait pour la nation en quatre mois que le cours des lumières et de l’opinion publique, que je suppose pourtant très puissant, ne pourra faire dans un demi-siècle. Mais, direz-vous, si la pluralité des citoyens avait nommé les représentants extraordinaires, que serait devenue la distinction des trois ordres ? Que deviendraient les privilèges ? Ce qu’ils doivent être. Les principes que je viens d’exposer sont certains. Il faut renoncer à tout ordre social, ou les reconnaître. La nation est toujours maîtresse de réformer sa constitution. Surtout, elle ne peut pas se dispenser de s’en donner une certaine, quand elle est contestée. Tout le monde en convient aujourd’hui ; et ne voyez-vous pas qu’il lui serait impossible d’y toucher, si elle-même n’était que partie dans la querelle ? Un corps soumis à des formes constitutives ne peut rien décider que d’après sa constitution. Il ne peut pas s’en donner une autre. Il cesse d’exister dès le moment qu’il se meut, qu’il parle, qu’il agit autrement que dans les formes qui lui ont été imposées. Les états généraux, fussent-ils assemblés, sont donc incompétents à rien décider sur la constitution. Ce droit n’appartient qu’à la nation seule, indépendante, nous ne cessons de le répéter, de toutes formes et de toutes conditions.

Les privilégiés, comme l’on voit, ont de bonnes raisons pour confondre les idées et les principes en cette matière. Ils soutiendront aujourd’hui avec intrépidité le contraire de ce qu’ils avançaient il y a six mois. Alors, il n’y avait qu’un cri en France : nous n’avions point de constitution et nous demandions à en former une. Aujourd’hui, non seulement nous avons une constitution, mais