Page:Sieyès-Qu'est ce que le tiers état-1888.djvu/99

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on peut décider que la volonté d’un seul sera dite la pluralité, et il n’est besoin ni d’états généraux, ni de volonté nationale, etc., car si une volonté peut en valoir dix, pourquoi n’en vaudrait-elle pas cent, un million, vingt-six millions ?

Aurions-nous besoin d’appuyer davantage sur la conséquence naturelle de ces principes ? Il est constant que, dans la représentation nationale ordinaire et extraordinaire, l’influence ne peut être qu’en raison du nombre des têtes qui ont droit à se faire représenter. Le corps représentant est toujours, pour ce qu’il a à faire, à la place de la nation elle-même. Son influence doit conserver la même nature, les mêmes proportions et les mêmes règles. Concluons qu’il y a un accord parfait entre tous les principes, pour décider 1º qu’une représentation extraordinaire peut seule toucher à la constitution ou nous en donner une, etc. ; 2º que cette représentation constituante doit se former sans égard à la distinction des ordres. 3º à qui appartient-il d’interroger la nation ? Si nous avions une constitution législative, chacune de ses parties en aurait le droit, par la raison que le recours aux juges est toujours ouvert aux plaideurs, ou plutôt parce que les interprètes d’une volonté sont obligés de consulter leurs commettants, soit pour faire expliquer leur procuration, soit pour leur donner avis des circonstances qui exigeraient de nouveaux pouvoirs. Mais il y a près de deux siècles que nous sommes sans représentants, en supposant qu’il y en eût alors. Puisque nous n’en avons point, qui les remplacera auprès de la nation ?

Qui préviendra les peuples du besoin d’envoyer des représentants extraordinaires ? La réponse à cette question ne peut embarrasser que ceux qui attachent au mot de convocation le fatras des idées anglaises. Il ne s’agit pas, ici, de prérogative royale, mais du sens simple et naturel d’une convocation. Ce terme embrasse avis à donner du besoin national, et indication d’un rendez-vous commun. Or, quand le salut de la patrie presse tous les citoyens, perdra-t-on le temps à s’enquérir de celui qui a le droit de convoquer ? Il faudrait plutôt demander : qui n’en a pas le droit ? C’est le devoir sacré de tous ceux qui y peuvent quelque chose. À plus forte raison, le pouvoir exécutif le peut-il, lui qui est bien plus en mesure que les simples particuliers de prévenir la généralité des citoyens, d’indiquer le lieu de l’assemblée et d’écarter tous les obstacles que l’intérêt de corps pourrait y opposer. Certainement le prince, en sa qualité de premier citoyen, est plus intéressé