Page:Signac - D’Eugène Delacroix au néo-impressionnisme, 1911.djvu/112

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
100
DE DELACROIX AU NÉO-IMPRESSIONNISME

dité dite savoureuse de la touche, la virtuosité de la main, la liberté du pinceau ? Elles n’en jouent aucun, parce qu’elles n’en doivent pas jouer. Le virtuose est un pharisien qui se complaît en lui-même et non en la beauté… C’est un équilibriste qui jongle avec ses ocres, ses outremers, ses cinabres, au lieu de les apporter en tribut devant la nature sans égale et devant le ciel sans fond. Il dit : « Voyez mon adresse, voyez ma souplesse, voyez ma patte ! » Il ne dit pas : « Voyez comme Elle est belle et comme Elle passe tous nos pauvres artifices humains ! »

Ces lignes ne sont-elles pas la meilleure réponse que l’on puisse faire aux critiques qui reprochent aux néo-impressionnistes la discrète impersonnalité de leur facture ?

Puis, ces préceptes, si nettement néo-impressionnistes qu’ils semblent écrits par un des adeptes de la division :

« Posez les couleurs vives par petits points sur les autres ou dans leurs interstices, et poussez le principe des couleurs séparées à son raffinement le plus extrême, usant d’atomes de couleurs en juxtaposition plutôt qu’en larges espaces. Et enfin, si vous avez le temps, plutôt que de rien mélanger, copiez la nature dans ses fleurs ponctuées de couleurs diverses, les digitales par exemple et les calcéolaires. Et produisez les teintes mixtes par l’entrecroisement des touches des diverses couleurs crues dont les teintes mixtes sont formées. »

Cet emploi de petits points de couleurs pures pour former des teintes mixtes, prôné par Ruskin, se rapproche tellement de la technique des néo-impressionnistes, la communauté de principes est tellement évidente, que l’écrivain de la Revue des Deux Mondes ne peut