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DE DELACROIX AU NÉO-IMPRESSIONNISME

2. À peine sorti de l’atelier Guérin, en 1818, Delacroix sent combien est insuffisante la palette surchargée de couleurs sombres et terreuses — dont il avait usé jusqu’alors. Pour peindre le Massacre de Scio (1824), il ose bannir des ocres et des terres inutiles et les remplacer par ces belles couleurs, intenses et pures : bleu de cobalt, vert émeraude et laque de garance. Malgré cette audace, il se sentira bientôt de nouveau dépourvu. C’est en vain qu’il disposera sur sa palette une quantité de demi-tons et de demi-teintes, préparés soigneusement d’avance. Il éprouve encore le besoin de nouvelles ressources, et, pour sa décoration du Salon de la Paix, il enrichit sa palette (qui, selon Baudelaire, « ressemblait à un bouquet de fleurs, savamment assorties » ) de la sonorité d’un cadmium, de l’acuité d’un jaune de zinc et de l’énergie d’un vermillon, les plus intenses couleurs dont dispose un peintre.

En rehaussant de ces couleurs puissantes, le jaune, l’orangé, le rouge, le pourpre, le bleu, le vert et le jaune-vert, la monotonie des nombreuses mais ternes couleurs en usage avant son intervention, il aura créé la palette romantique, à la fois sourde et tumultueuse. Il convient de remarquer que ces couleurs, pures et franches, sont précisément celles qui composeront plus tard, à l’exclusion de toute autre, la palette simplifiée des impressionnistes et des néo-impressionnistes.