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DE DELACROIX AU NÉO-IMPRESSIONNISME

d’abord ; on simplifie ensuite. Si les impressionnistes ont simplifié la palette, s’ils ont obtenu plus de couleur et de luminosité, c’est aux recherches du maître romantique, à ses luttes avec la palette compliquée, qu’ils le doivent.

En outre, Delacroix avait besoin de ces couleurs, rabattues, mais chaudes et transparentes, que les impressionnistes ont répudiées. Lié par son admiration des maîtres anciens, de Rubens, en particulier, il était trop préoccupé de leur métier pour renoncer aux préparations juteuses, aux sauces brunes, aux dessous bitumineux dont ils usèrent. Ce sont ces classiques procédés, employés dans la plupart de ses tableaux, qui les font paraître sombres.

Une troisième raison : s’il avait étudié les lois des complémentaires et du mélange optique, il n’en connaissait point toutes les ressources. Lors d’une visite que nous fîmes à Chevreul, aux Gobelins, en 1884, et qui fut notre initiation à la science de la couleur, l’illustre savant nous raconta que, vers 1850, Delacroix, qu’il ne connaissait pas, lui avait, par lettre, manifesté le désir de causer avec lui de la théorie scientifique des couleurs et de l’interroger sur quelques points qui le tourmentaient encore. Ils prirent rendez-vous. Malheureusement le perpétuel mal de gorge dont souffrait Delacroix l’empêcha de sortir au jour convenu. Et jamais ils ne se rencontrèrent. Peut-être sans cet incident le