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APPORT DES IMPRESSIONNISTES

qu’ils n’ont pas fait et ce qui restait à faire après eux, c’est de respecter absolument, en toutes circonstances, la pureté de ces couleurs pures. En mélangeant les éléments purs dont ils disposent, ils reconstituent ces teintes ternes et sombres, que précisément ils semblaient vouloir bannir.

Leurs couleurs pures, non seulement ils les rabattent par des mélanges sur la palette ; mais ils en diminuent encore l’intensité en laissant des éléments contraires se rencontrer sur la toile, au hasard des coups de brosse. Dans la hâte de leur allègre exécution, une touche d’orangé heurte une touche de bleu encore fraîche, une balafre de vert se croise avec une garance non sèche, un violet balaye un jaune, et ces mélanges répétés de molécules ennemies répandent sur la toile un gris non optique ni fin, mais pigmentaire et terne, qui atténue singulièrement l’éclat de leur peinture.

7. Du reste, des exemples illustres tendraient à prouver que, pour ces peintres, les teintes rabattues ne sont pas sans charme, les tons sourds, sans intérêt. Dans certaines toiles de l’admirable série des Cathédrales, Claude Monet ne s’est-il pas ingénié à fondre ensemble tous les joyaux de sa fulgurante palette pour rechercher la teinte, matériellement exacte, si grise et si trouble, des vieilles murailles rouilleuses et moisies ? Dans les tableaux de la dernière manière de Camille Pissarro,