Page:Silvestre - Au pays des souvenirs.pdf/29

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des mains faites pour le travail et les loyales étreintes… si petites avec cela ! Je n’en ai jamais revu de pareilles. Quand elles laissaient tomber, dans un verre à moitié plein d’eau, une cigarette achevée, elles avaient, en se relevant, comme un essor de papillon blanc qui s’envole.


Ce n’est que deux ans après que j’allai à Nohant pour la première fois.

On partait de Châteauroux dans une façon de diligence : trois bêtes efflanquées devant et un rustre au sommet, attachant ses guides au siège pour pouvoir mieux fouailler des deux bras. Une casserole derrière une agonie de chevaux. Je ne décrirai pas le paysage. C’est celui que George Sand a donné pour décor à ses plus admirables romans. À vrai dire, je ne l’aurais peut-être pas remarqué beaucoup, s’il ne m’eût fait revivre sous le charme des descriptions amoureusement lues. Mais des idylles se dressaient pour moi tout le long de la route. Tout paysan était un Champi, et toute mendiante une Fadette. J’étais hanté par ce monde charmant qui vivra dans l’immortalité de ses récits, comme celui des églogues de Théocrite, le grand Syracusain. J’ai compris alors combien un grand poète fait sienne la terre que foulent ses pas !

Assez uniforme, d’ailleurs, ce grand chemin, bien que bordé par des horizons d’un grand aspect.