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Contes grassouillets.

pas trouvé, dans toute sa culotte, de quoi tailler un pot au feu pour indigents.

Ce n’était pas qu’elle fût bonne.

Une étroite éducation de province avait encore poli les sécheresses de son âme, si bien que celle-ci en était luisante comme un cuivre fraîchement passé au tripoli. Ni pitié, ni tendresse ne pouvaient pénétrer dans cette chose dure et proprette, soigneusement nickelée d’égoïsme par les procédés les plus nouveaux et parfaitement inoxydable à aucun sentiment généreux. Elle avait une façon délicate de refuser l’aumône aux pauvres qui faisait rougir ceux-ci de leur pauvreté. Avec tout ce que son être contenait de dévouement et de compassion, de fraternité et de sacrifice, on n’eût pas trouvé de quoi habiller d’hypocrisie le plus petit des Lilliputiens.

Mais elle jouait du piano, parlait deux langues vivantes, n’ignorait aucune des lois de la civilité puérile et honnête, ne riait jamais aux plaisanteries légères, avait horreur de tout ce qui n’était pas parfaitement comme il faut et possédait un père, le vénérable Pyge-Mathieu,