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Contes grassouillets.

Ce n’était pas qu’il fût spirituel.

Il lisait les journaux de tout le monde et savourait avec délices les mots de la fin, sans s’être aperçu que ce sont les mêmes qui servent depuis vingt ans. Il croyait à l’équilibre européen, à la moralisation des masses, à l’omnipotence de l’expérimentalisme, à la critique théâtrale, et autres attrape-nigauds ayant cours dans la littérature. Il discutait les académiciens et les hommes politiques, estimait les vers coulants, la prose facile et les pièces bien faites. C’était, en un mot, un parfait imbécile, mais dont la bêtise était parfaitement accommodée aux choses de son temps. Il n’avait même pas l’originalité d’être bête comme les hommes d’une autre époque.

En revanche, il avait des façons excellentes, une tenue au-dessus de tous les éloges, une renommée de bonne conduite qui eût tenté Mme Putiphar, le dédain de toute facétie gauloise, le mépris de tout ce qui n’était pas du monde, l’amour de la bonne compagnie, plus une mère, Mme veuve Aurélie Bardane qui, après avoir rôti un corps tout entier de balais,