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Contes grassouillets.

J’aime la nudité plus franche, la glorieuse nudité des Vénus antiques ; et, quant à l’esprit quintessencié de ces messieurs, il n’est pas non plus le mien et je remonte plus haut, dans l’histoire de nos lettres françaises, pour y trouver des modèles. Les gaietés larges et honnêtes, dans leur crudité, de Rabelais sont les seuls dont je voudrais tenter le souvenir, si je n’étais un infect myrmidon perdu dans l’ombre de cet admirable génie. Mes Gargantuas, à moi, se nourrissent de mouches et mes Pantagruels sont hauts comme des brins d’herbe. Nonobstant, comme rire me semble bon, nécessaire et fait pour les gens de bien, je laisse courir ma plume aux incongruités qui dérident les plus sévères. Je sais bien que d’aucuns me blâment de cela, me jetant au nez le lyrisme douloureux de mes poèmes et concluant de ce contraste que je ne suis sincère ni en prose ni en vers. Moi je me permets de penser tout le contraire. Je ne sais que ceux qui portent des masques pour garder des visages inflexibles toujours hilares ou toujours consternés. Rire et pleurer tour à tour est le fond de la vie humaine et j’ai beaucoup vécu, sans