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LES AILES D’OR

Par d’étrangères mains nos blessures creusées
De nos yeux fraternels ont reçu les rosées,
Comme aux cimes d’un lis des calices pareils :
Notre pitié leur fit de rapides soleils.

Sous un supplice égal, ce bonheur fut le nôtre
De n’avoir pas été le bourreau l’un de l’autre.
Nous pouvons donc, dans l’ombre où sont nos bonheurs morts,
Mêler des cœurs sans haine et des pleurs sans remords.

Comme un lac d’eau paisible au torrent qui s’élance,
La nuit à nos sanglots ouvre son grand silence,
Et, pailletant d’or fin l’ombre de ses cheveux,
Aux lèvres sans baisers tend le vin des aveux.

La mer, en les berçant d’insensibles cadences,
Emporte le vaisseau des lentes confidences
Vers l’horizon paisible où le ciel les attend,
Et, comme un lit d’azur, sous nos rêves s’étend.