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LES AILES D’OR

Ô colombe, j’ai fait des blancheurs de ta plume
Un doux nid, où s’endort quelquefois l’amertume
Des secrets désespoirs et des pleurs clandestins
Dont la douleur d’aimer a comblé mes destins !

Celle qui m’apparut au seuil de ces géhennes
Où j’ai bu tour à tour les amours et les haines,
Portait un lis des pleurs de l’aurore mouillé,
Et mes désirs tremblants ne l’ont pas effeuillé.

Sans que son pied divin se posât sur ma vie
Elle partit ! Et moi je ne l’ai pas suivie,
Et j’ai gardé pourtant, sur mon âpre chemin,
La pâle fleur qu’un soir laissa tomber sa main.

Bien qu’avec cette fleur je n’emporte rien d’elle,
Ni le premier aveu, ni le serment fidèle,
Au plus cher de mon cœur j’ai ce rien renfermé.
— Le rêve reste seul, en nous, d’avoir aimé.