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LES AILES D’OR


D’un bras lassé je bats sans relâche la grève
Et, des rideaux pourprés qui ferment l’horizon,
À mon sommeil, en vain je fais une prison,
Sans m’endormir jamais au repos de mon rêve.

L’écume, en lis d’argent s’effeuille sous ma main,
Sans fleurir d’autres bords que la rive connue ;
Et, sans changer un jour de place sous la nue.
D’un innombrable pas je heurte mon chemin.

Je sens mon sein gonflé de floraisons superbes,
Mais dont l’essor s’arrête à mon sol tourmenté
Que ne rafraîchit pas, sous les soleils d’été,
Le souffle des parfums ou la fraîcheur des herbes.

Comme un poids inutile ou comme un vain ferment,
Je porte en moi la vie impuissante et profonde :
Car les destins m’ont faite et stérile et féconde,
Immobile et pourtant toujours en mouvement.