Page:Silvestre - Les Ailes d’or, 1891.djvu/89

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
72
LES AILES D’OR

Nos seuils ont bu le sang des victimes sans nombre ;
Mais rien n’y germe plus que la haine et l’affront.
Les temps agenouillés ont relevé le front
Et l’éternel oubli nous étreint de son ombre.

La mousse croît aux pieds mornes de nos autels.
Dans le désert la voix des prêtres se lamente ;
Au loin l’humanité, que l’infini tourmente,
Cherche ailleurs le sentier des destins immortels.

Car, sans l’éteindre un jour, nous l’avons étanchée,
L’inextinguible soif des rêves surhumains ;
Mais la source est tarie où, sur nos verts chemins,
Longtemps la lèvre en feu des races est penchée.

La splendeur de la rose et la blancheur du lis
Ne vont plus s’effeuillant sur les pas du lévite.
La Nature affranchie à ses fêtes invite
Les fidèles repus des cultes abolis.