Page:Silvestre de Sacy - Calila et Dimna, ou Fables de Bidpai, 1816.djvu/38

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Quoi qu’il en soit, cette introduction se lisant dans le plus, ancien de nos manuscrits, je n’ai pas voulu l’omettre, quoique j’en fasse peu de cas. Je vais en donner une idée succincte.

Alexandre, après avoir soumis les rois de l’Occident, tourna ses armes vers l’Orient. Il triompha de tous les souverains de la Perse et des autres contrées qui osèrent lui résister. Dans sa marche pour entrer dans l’empire de la Chine, il fit sommer le prince qui régnoit alors sur l’Inde, et qui se nommoit Four, ou, suivant quelques manuscrits, Fourek, de reconnoître son autorité et de lui faire hommage. Four, au lieu d’obéir, se prépara à la guerre, et prit toutes les mesures propres à assurer son indépendance. Alexandre, qui n’avoit, jusque-là, éprouvé que de foibles résistances, instruit des préparatifs formidables du roi de l’Inde, craignit de recevoir, dans cette occasion, quelque échec qui ternirait la gloire de ses armes : les éléphans des Indiens lui inspiraient sur-tout une grande crainte. Il résolut donc d’avoir recours à la ruse ; et après avoir consulté les astrologues sur le choix du jour le plus favorable à l’exécution de ses desseins, il fit faire, par les plus habiles ouvriers qui suivoient son armée, des figures creuses de chevaux et de cavaliers en bronze : il fit remplir l’intérieur de ces figures de naphte et de soufre, et il ordonna qu’après les avoir revêtues de harnois et d’habits, on les plaçât sur le premier rang de son armée, et qu’au moment d’engager le combat on mît le feu aux matières inflammables qu’elles contenoient. Le jour choisi pour l’action étant arrivé, Alexaudre fit faire une nouvelle sommation au roi Indien. Celui-ci n’y obéit pas plus qu’à la première, et les deux armées s’ébranlèrent. Four avoit placé ses éléphans sur la première ligne ; les gens d’Alexandre, de leur côté, firent avancer les figures de bronze qui avoient été chauffées. Les éléphans ne les eurent pas plutôt saisies avec leurs trompes, que, se sentant brûler, ils jetèrent par terre ceux qui les montoient et prirent la fuite, foulant aux pieds et écrasant tous ceux qu’ils rencontraient. Toute l’armée Indienne étant ainsi culbutée et mise en déroute, Alexandre appela à grands cris Four à un combat singulier. Le monarque Indien accepta le défi et se présenta