Page:Silvestre de Sacy - Calila et Dimna, ou Fables de Bidpai, 1816.djvu/42

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Cependant Dabschélim, quand il se vit affermi sur son trône, et lorsque sa bonne conduite lui eut soumis tous ses ennemis, aspira à un autre genre de gloire. Les rois ses prédécesseurs avoient tous attaché leurs noms à quelque ouvrage composé par les sages et les philosophes de leur temps : désirant laisser un semblable monument de son règne, il ne trouva que Bidpaï qui pût remplir ses vues ; l’ayant mandé près de lui, il lui fit part de ses intentions, et le pria de s’occuper sans délai de la composition d’un ouvrage qui, tout en paraissant uniquement destiné à former les mœurs des particuliers, eût cependant pour véritable but d’apprendre aux rois comment ils doivent gouverner, pour s’assurer de l’obéissance et de la fidélité de leurs sujets. Il lui témoigna aussi le désir que, dans cet ouvrage, les graves préceptes de la morale et les austères leçons de la sagesse fussent mêlés à des récits divertissans et à des anecdotes amusantes. À la demande du brahmane, le roi lui accorda un an de délai pour exécuter cet ouvrage, et lui assura les fonds nécessaires pour cette entreprise.

Bidpaï crut d’abord devoir assembler ses disciples et délibérer avec eux sur la marche qu’il convenoit d’adopter pour remplir à la satisfaction du roi le plan que ce prince avoit conçu ; mais il ne tarda pas à reconnoître qu’il devoit renoncer à tout secours étranger, et se charger lui-même de ce travail, en prenant seulement avec lui, pour secrétaire, un de ses disciples. Ayant donc fait provision de papier et des alimens nécessaires pour sa subsistance et celle de son secrétaire pendant un an, il se renferma avec lui dans un cabinet, dont l’accès fut interdit à tout autre. Là, le philosophe s’occupant sans relâche du travail dont il s’étoit chargé, dictoit à son disciple, puis revoyoit ce que celui-ci avoit écrit. L’ouvrage fut exécuté ainsi, et composé de quatorze chapitres[1]

  1. Dans mon édition, il y a dix-huit chapitres, parce que l’introduction de Behnoud, l’histoire de la mission de Barzouyèh dans l’Inde, la préface d’Abd-allah ben-Almokaffa, et la vie de Barzouyéh, écrite par Buzurdjmihr, sont comptés pour autant de chapitres. Le livre de Calila ne commence, à proprement parler, qu’au Ve chapitre. On voit que Behnoud regarde les quatorze chapitres restans comme ayant fait partie, primitivement, du livre de Calila.