Page:Silvestre de Sacy - Calila et Dimna, ou Fables de Bidpai, 1816.djvu/43

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui, chacun, contenoient une question et la réponse à cette question. Tous les chapitres furent ensuite réunis en un seul livre, auquel Bidpaï donna le nom de Livre de Calila et Dimna. Bidpaï mit en scène, dans cet ouvrage, des animaux domestiques et sauvages et des oiseaux, afin que le commun des lecteurs y trouvât un amusement et un passe-temps agréable, tandis que les hommes sensés y puiseroient un sujet de réflexions solides : il voulut aussi que tout ce qui peut être utile à l’homme pour le réglement de sa conduite, l’administration de ses affaires, le gouvernement de sa famille, en un mot pour sa félicité en ce monde et en l’autre, s’y trouvât réuni, et qu’il y apprît à obéir aux souverains et à se garantir de tout ce qu’il importe à son bonheur d’éviter.

Bidpaï consacra le premier chapitre à représenter ce qui arrive à deux amis, lorsqu’un semeur de faux rapports s’introduit dans leur société : il voulut que son disciple le fît parler dans ce chapitre, conformément au plan adopté par le roi, en sorte que les préceptes de la sagesse y fussent joints à des récits amusans. Bidpaï cependant fit réflexion que la sagesse perd tout son prix quand elle se trouve associée à des discours frivoles. Rien ne lui paroissoit donc, ainsi qu’à son disciple, plus difficile que de remplir à cet égard le désir du roi, quand tout d’un coup il leur vint dans l’esprit d’employer pour interlocuteurs deux animaux. Par-là, tandis que le choix des personnages mis en scène offrait un sujet d’amusement, la sagesse se trouvoit dans les discours qu’on leur prêtoit. Ce plan réunissoit donc de quoi satisfaire le goût léger des ignorans et du vulgaire, et de quoi attirer l’attention des hommes sages.

Un an se passa de la sorte, sans que Bidpaï et son disciple interrompissent leur travail et sortissent de leur retraite. Au terme fixé, le roi fit demander à Bidpaï s’il avoit exécuté son engagement. Sur la réponse affirmative du brahmane, le roi convoqua une nombreuse assemblée des grands et des savans de son empire. Bidpaï s’y rendit, accompagné de son disciple ; et là, en présence du roi et de toute la cour, il fit lecture de tout son livre et expliqua au roi le sujet de chaque chapitre. Dabschélim,