Page:Silvestre de Sacy - Calila et Dimna, ou Fables de Bidpai, 1816.djvu/49

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il résolut de rester attaché à la religion de ses pères ; mais sa résolution ne fut point durable ; et faisant de nouveau réflexion à la brièveté de la vie et à l’incertitude de l’heure de la mort dont l’homme est menacé à chaque instant, il pensa que le parti qu’il avoit à prendre étoit d’abandonner des recherches qui ne pouvoient fixer son incertitude, et de se borner à faire des actions que sa conscience approuvât, et qui eussent l’assentiment des hommes de toutes les religions. Il joignit à cette conduite une ferme croyance à une autre vie, et à des peines et des récompenses futures. Rien ne lui parut plus propre à faire le bonheur de l’homme, que la pratique de la vertu et l’exercice de la vie monastique, et il jugea que, préférer à ce bonheur solide et que rien ne peut nous ravir, des plaisirs frivoles et passagers, c’étoit une insigne folie. Plus il considéroit les joies du monde, plus elles lui inspiroient de dégoût. Les réflexions qu’il faisoit sur les avantages d’une vie religieuse et mortifiée, ne contribuoient au contraire qu’à accroître l’estime qu’il avoit conçue pour ce genre de vie. Il forma donc le projet de l’embrasser ; mais il étoit retenu par la crainte de ne pouvoir pas y persévérer, et de perdre, en aspirant à une plus haute perfection, les avantages que lui avoit procurés jusque-là l’exercice de sa profession. Que sont cependant, se disoit-il, les privations et les austérités de la vie religieuse, qui m’inspirent tant d’effroi, et que je crains de ne pouvoir pas supporter, en comparaison des maux qui accompagnent les plaisirs de cette vie ! Et d’ailleurs, quel plaisir peut-on trouver dans des jouissances qui doivent être sitôt détruites par la mort, et que suivra une éternité de peines et de tourmens ! Que sont, au contraire, quelques années de mortification et d’épreuves, lorsqu’elles doivent mener à un bonheur sans fin ! Ici Barzouyèh fait une peinture, aussi éloquente que vraie, des contradictions et des souffrances de toute espèce auxquelles l’homme est en proie, depuis l’instant de sa formation dans le sein de sa mère, jusqu’à son dernier soupir, lien conclut que tout homme sensé doit toujours avoir l’éternité devant les yeux, et que quiconque agit autrement, est un fou, digne de compassion ou de mépris. Il lui paroît donc