Page:Silvestre de Sacy - Calila et Dimna, ou Fables de Bidpai, 1816.djvu/58

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rapporter la mission de Barzouyèh dans l’Inde et la traduction du livre de Calila en pehlvi. J’ignore dans quelle source Assémani a puisé ce qu’il dit du temps auquel vivoit Boud, et de la connoissance qu’il lui suppose de la langue Indienne ; mais je ne puis me défendre d’un soupçon contre le témoignage d’Ebed-jesu, et je crains, je l’avoue, qu’il n’ait confondu Barzouyèh avec un moine chrétien, et n’ait attribué au second une traduction qui appartient au premier. Il me paroît peu vraisemblable qu’un prêtre chrétien eût traduit directement de l’indien un ouvrage tel que celui dont il s’agit, que cette traduction de l’indien en syriaque àit été faite précisément à la même époque à laquelle ce livre fut traduit de l’indien en pehlvi ; enfin, que les deux traducteurs se fussent rencontrés dans la substitution du nom de Calila à l’indien Carattaca : car, dans Calilag et Damnag, le g final n’est que l’equivalent du • final des Persans.

Peut-être y a-t-il une autre manière de lever ces difficultés ; ce seroit de supposer que Barzouyèh étoit effectivement un moine chrétien, qui avoit été employé dans les contrées de l’Inde voisines de la Perse, et qui joignoit à la connoissance de sa langue naturelle et de la langue Syriaque, qui étoit celle de son église, la connoissance de celle de l’Inde, et que Nouschiréwan l’employa à traduire en pehlvi le livre de Calila. Ebed-jesu, ne dit point que la traduction dont il parle fût en langue Syriaque ; il en parle comme d’une chose connue de tout le monde, et il n’est point invraisemblable qu’il ait voulu dire que Boud est le même que Barzouyèh, auteur de la traduction du livre de Calila de l’indien en persan.

On sera très-porté, je pense, à admettre cette supposition, si l’on fait attention aux réflexions attribuées à Barzouyèh par Buzurdjmihr, et sur-tout à l’éloge qu’il fait de la vie monastique et du renoncement à toutes les choses du monde[1]. J’ai toujours

  1. Barzouyèh n’auroit-il pas voulu parler obscurément de sa conversion au christianisme, dans cette phrase que Buzurdjmihr lui met dans la bouche : « Dans l’espérance qu’il viendroit un moment de ma vie où je trouverois un guide pour me conduire, une puissance capable de soumettre mon âme, et un chef qui mettroit ordre à mes affaires ! » Voy. ci-devant, p. 29.