Page:Sima qian chavannes memoires historiques v1.djvu/110

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Mais parmi ces parvenus, il est toute une classe de personnages qui ne trouve pas grâce à ses yeux ; ce sont ces magiciens charlatans qui profitaient de la crédulité du souverain pour lui conter les fables les plus extravagantes. Se-ma Ts’ien nous dévoile, dans son Traité sur les sacrifices fong et chan, tous les artifices auxquels ils eurent recours : les uns étaient des alchimistes qui adressaient leur culte au fourneau dans lequel la flamme indestructible devait transmuer en or la poudre de cinabre, or si pur que les ustensiles de table faits de cette matière infusaient à celui qui s’en servait une prolongation de vie ; les autres prétendaient pouvoir entrer en communication avec des êtres surnaturels et apprendre d’eux le moyen d’être immortel ; ils allaient les attendre pendant de longs mois sur de hautes montagnes ou couraient la mer à la recherche des îles enchantées, séjour des bienheureux. D’autres enfin, calculant les années écoulées, trouvaient dans les mystérieuses concordances de la chronologie, la preuve que l’âge fortuné du premier des souverains, Hoang-ti, allait reparaître et ils promettaient au Fils du ciel que, comme son fabuleux prédécesseur, il monterait vivant dans les demeures éthérées. Quelques-uns de ces charlatans jouirent d’un crédit qu’il est difficile de s’imaginer ; l’un d’eux, Loan-Ta, reçut en quelques mois des titres et des dignités qui dépassaient ceux de tous les autres hommes ; il épousa une propre fille de l’empereur ; l’année suivante cependant (112 av. J.-C), ses supercheries furent dévoilées et il subit le supplice d’être coupé en deux par le milieu du corps. Plusieurs autres magiciens eurent un sort analogue, et, après s’être vus élevés jusqu’au faîte des honneurs, furent mis à mort. Malgré ses déconvenues répétées, l’empereur Ou resta jusqu’à la fin de ses jours, la dupe de ceux qui flattaient sa faiblesse : c’est pour une ténébreuse affaire d’envoûtement que, dans les dernières années de sa vie, il fit périr celui de ses fils qui devait être son héritier, action barbare dont il se repentit fort quand il découvrit qu’il avait été trompé.