Page:Sima qian chavannes memoires historiques v1.djvu/111

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Si les fables que faisaient accroire au souverain des ambitieux téméraires furent souvent percées à jour et s’évanouirent sans laisser de traces, on ne saurait méconnaître que quelques-unes des idées qui furent alors proposées eurent une longue fortune et exercèrent une influence durable sur la religion chinoise. Dans un pays où le culte est une des fonctions du gouvernement, tout sacrifice nouveau devient un précédent administratif et se perpétue dans le code des ordonnances officielles. C’est pourquoi quelques-uns des changements notables que l’empereur Ou introduisit dans la religion y subsistèrent pendant un temps plus ou moins long. La plus considérable de ces innovations, aux yeux des contemporains, fut la célébration des sacrifices fong et chan ; à vrai dire, ces cérémonies passaient pour remonter à une haute antiquité ; mais l’étude des textes historiques ne nous montre point qu’elles aient été en honneur avant l’empereur Ou et il est vraisemblable qu’on ne les disait si anciennes que pour les faire paraître plus augustes. Ce qui est certain, c’est que, telles qu’on les accomplit pour la première fois en l’an 110 avant notre ère, elles furent considérées comme l’expression la plus haute du culte ; elles étaient en effet l’acte solennel par lequel le maître des hommes invoquait le Ciel et la Terre, pour implorer d’eux la confirmation surnaturelle de son pouvoir et leur demander une longue vie. Les cérémonies fong et chan ne prirent pas fin avec la dynastie des Han occidentaux ; sous la dynastie Tang qui régna pendant les VIIe, VIIIe et IXe siècles de notre ère, nous voyons les souverains les célébrer à plusieurs reprises ; quoique le bouddhisme fût alors à son apogée, ces vieux rites avaient conservé toute leur importance. — Une autre modification apportée au culte de l’empereur Ou s’est conservée jusqu’à nos jours ; nous voulons parler du sacrifice à la Terre auquel ce souverain donna une pompe inaccoutumée en le considérant comme le corrélatif du sacrifice au Ciel. Sans doute, le dualisme dut être dès les temps les plus anciens inhérent à l’esprit de la religion chinoise ; à côté